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ABIGAÏL.


IX


Changement et renvoi du ministère whig.


Les cabales de Harley pour renverser le ministère whig avaient donc réussi au gré de ses désirs, et le cabinet de la reine se montra consterné en apprenant la nomination inattendue du duc de Somerset à la charge de lord-chambellan, en remplacement du comte de Kent, auquel on paya sa retraite en lui donnant un duché ; la destitution de Sunderland, en dépit des efforts de ses collègues et de la duchesse de Marlborough pour le maintenir à son poste, avait aussi fort étonné ; mais le coup de grâce fut la disgrâce de Godolphin, qui, ayant quitté la reine le soir, en apparence sur un pied d’amitié avec elle, reçut de Sa Majesté, le lendemain matin, une lettre lui annonçant qu’elle n’avait plus besoin de ses services, et qu’il pourrait briser en deux son bâton de commandement au lieu de le remettre en personne à Sa Majesté, suivant la coutume. On lui promit alors une pension de retraite de quatre mille livres par an ; mais cette pension ne fut jamais payée ni réclamée par le fler trésorier, quoique, à vrai dire, il eût grand besoin d’argent.

Lord Poulet fut installé sur-le-champ à la trésorerie ; mais par le fait sir Harley exerça le pouvoir réel. On fit alors des propositions d’alliance à ceux des ministres whigs qui étaient encore en fonctions ; mais ceux-ci les rejetèrent avec indignation, car ils supposaient que les tories ne pourraient pas gouverner, puisqu’ils n’avaient pas la confiance de la nation. La reine n’eut donc pas d’autre alternative que celle de renvoyer tous les whigs et de dissoudre le parlement.

Le résultat de cette dernière mesure prouva l’habileté des calculs de sir Harley. Jusqu’alors la junte avait été en possession du droit de diriger la chambre des Communes, et elle comptait sur le concours de cette chambre pour entraver les mesures prises par le nouveau ministère, afin de reconquérir par ce moyen son pouvoir perdu ; mais la convocation d’un