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ABIGAÏL.

La duchesse était rayonnante. Ses beaux yeux étincelaient de plaisir, et sur ses joues empourprées on devinait l’émotion du triomphe. En traversant l’appartement pour gagner un sofa qui se trouvait à l’autre extrémité, sa démarche paraissait aussi majestueuse que celle d’une princesse, et sa physionomie décelait plus de fierté que de coutume.

Sarah de Marlborough était encore une femme magnifique, et les années avaient laissé peu de traces sur sa beauté. Il avait quelque chose de royal dans son regard et dans son maintien ; sa taille était élevée et imposante, ses traits du modèle le plus parfait. Son visage savait retracer toutes les émotions qu’elle éprouvait, mais son expression la plus habituelle trahissait l’orgueil. À vrai dire, son regard se noyait dans une douceur toute féminine, nuancée d’une certaine volupté, volupté que l’on devinait surtout dans la coupe sensuelle de ses lèvres et dans la langueur humide de ses yeux, qui étaient d’une tendresse inexprimable lorsqu’ils ne lançaient pas des éclairs. Elle avait le front très-beau, des cheveux bruns réunis comme un diadème et tombant par derrière en boucles longues et lissées. Les proportions de tout son corps étaient largement développées, le cou bien rond, les bras et les épaules de la blancheur du marbre. Ses vêtements splendides étaient dignes de sa beauté et resplendissaient de diamants et de pierres précieuses. Entre autres ornements, elle portait une bague d’une immense valeur, qui lui avait été offerte par Charles III d’Espagne, lorsqu’il avait visité l’Angleterre quatre ans auparavant.

La duchesse de Marlborough était une femme capable d’inspirer une passion profonde et durable, et ni l’absence ni la violence de son caractère n’avaient pu altérer l’attachement dévoué que le duc éprouvait pour elle. Aussi, à l’heure où se développe notre récit, après une si longue union, était-il aussi vivement épris d’elle que lorsqu’elle était encore Sarab Jennings.

Le noble époux de la belle duchesse était du reste bien digne d’elle, car Marlborough se montrait également remarquable par ses rares talents et par ses grâces personnelles. Parfait courtisan, c’est-à-dire parfait gentilhomme, soldat d’un courage et d’une expérience rares, aucune distinction ne lui manquait. Les manières de Marlboroush étaient si imposantes, si distinguées, et en même temps si gracieuses et si courtoises, que son