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ABIGAÏL.

détruits, les coussins, les housses et les tapis dispersés ; les bibles et les livres de plain-chant déchirés et les feuillets jetés au vent.

À la fin, le docteur Burgess, qui n’était qu’étourdi, ayant repris ses sens, se releva et s’élança au milieu du tumulte :

« Abominables sacriléges, voleurs, assassins, s’écria-t-il, qu’avez-vous fait de mon neveu ? où est-il ?

— Silence, vieillard ! lui dit brutalement Frank Willis ; vous nous avez déjà donné assez de tracas.

— Faites-le monter en chaire et qu’il crie : Vive à jamais Sacheverell ! proposa Danmaree.

— Plutôt mourir ! s’écria le docteur Burgess.

— C’est ce que nous allons voir, hurla Purchase. Ici, mes gars ; hissez-le dans sa chaire. »

Et à force de coups, de malédictions et d’affreux traitements de toutes sortes, l’infortuné ministre fut contraint de gravir l’escalier.

Lorsqu’il parut dans la chaire, du haut de laquelle il avait coutume d’adresser la parole à un auditoire bien différent de celui qui l’entourait à cette heure, sa vue sembla produire sur cette bande déchaînée une impression de pitié.

Le visage de ce vieillard était d’une pâleur mortelle, et l’on voyait à la tempe gauche une large blessure béante, d’où le sang coulait à grands flots.

Sa cravate et ses habits étaient souillés par ce ruisseau sanglant.

Le docteur ne paraissait point être effrayé, mais il avait les yeux tournés vers le ciel : on eût dit qu’il murmurait une prière.

« Allons docteur, hurla Danmaree, criez : Vive à jamais Sacheverell et le haut clergé ! ou que Dieu ait pitié de votre âme.

— Que le Seigneur ait pitié de la vôtre, homme égaré, répondit le docteur Burgess. Vous vous repentirez des crimes que vous commettez aujourd’hui, lorsqu’on vous condamnera aux galères.

— Faites ce qu’on vous ordonne, docteur, sans plus discuter, dit Danmares, qui visa le ministre avec son mousquet.

— Je ne mentirai jamais à ma conscience, répliqua avec fermeté le vieillard, et je vous adjure de vous arrêter dans