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ABIGAÏL.

Dans cet état de choses, et grâce à l’entraînement de l’opinion populaire contre eux, les instigateurs du jugement projeté virent bien que, quelle que füt la décision prise à l’égard de Sacheverell, les conséquences leur en seraient à eux-mêmes préjudiciables au suprême degré. La seule personne qui fût calme et qui se crût sûre du succès, était la duchesse de Marlborough.

Le conseil de la défense se composait de sir Simon Harcourt, de sir Constantin Phipps et de trois autres des plus habiles avocats tories. Pour les matières théologiques, on avait choisi les docteurs Atterbury, Smallridge et Friend.

Du côté des accusateurs figuraient sir John Holland, contrôleur de la maison royale ; M. le secrétaire d’État Bayle ; M. Smith, chancelier de l’échiquier ; sir James Montagne, procureur général ; M. Robert Eyre, procureur général ; M. Robert Walpole, trésorier de la marine, et treize autres grands personnages.

Les approches du jugement augmentèrent au plus haut point la curiosité publique ; toute autre considération d’affaires ou d’amusements disparut devant l’attente d’un conflit qui allait décider du sort des deux partis, quoiqu’il eût pourtant un autre but ostensible.

Le 27 février, jour fixé pour le jugement, environ une heure avant midi, les cours et les squares du Temple, où logeait Sacheverell pour être plus rapproché de ses avocats, étaient encombrés d’une foule immense, dont chaque individu portait des feuilles de chêne à son chapeau. C’était là un signe de ralliement du parti du haut clergé. Une clameur formidable s’éleva tout à coup, lorsque le docteur monta dans une voiture découverte aux panneaux dorés, qu’on lui avait prêtée pour cette occasion ; et, quand cette voiture se mit en marche, la foule la suivit en criant et en chantant, ce qui donnait à cette procession plutôt l’air du cortége d’un triomphateur que celui du passage d’un coupable se rendant à une cour de justice.

Les fenêtres de toutes les maisons situées dans le Strand et dans la rue du Parlement étaient remplies de spectateurs dont la plupart unissaient leurs cris à ceux de la foule, tandis que le beau sexe, qui n’était pas le moins nombreux, exprimait avec enthousiasme ses sympathies et ses vœux pour le docteur.