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ABIGAÏL.

possibles furent employés pour disposer le public en sa faveur, et pour augmenter l’animosité dont ses adversaires étaient l’objet.

Le portrait du docteur fut affiché chez tous les imprimeurs ; on chantait des couplets écrits en son honneur à tous les coins de rue ; les ecclésiastiques de son parti faisaient allusion à sa position dans tous leurs discours : il y en eut même qui allèrent si loin, qu’ils firent des prières publiques pour la délivrance d’un de leurs frères tombé aux mains des philistins. On insistait sur les dangers imminents de l’Église et sur l’excellence de sa constitution ; les plus hardis perturbateurs étaient les bienvenus à la table de sir Harley et de ses amis, et ils venaient y recevoir des instructions. Le principal toast de ces festins était toujours celui-ci :

« À la santé du docteur Sacheverell, et à sa délivrance ! »

Les choses prenaient un aspect si menacant que, longtemps avant le procès, les chefs whigs conçurent de fâcheux pressentiments sur le résultat de l’affaire, et Godolphin se repentit amèrement de n’avoir point suivi les avis de lord Somers, qui avait conseillé une action intentée devant une simple cour de justice, comme le moyen le plus sûr de réussir. Mais il était trop tard ! quelque difficile et dangereuse que fût la tache qu’on avait entreprise, il fallait l’achever. Quitter le champ de bataille sans lutte, c’eùt été pire qu’une défaite.

Persuadée par Harley et Abigaïl que l’Église à laquelle elle était sincèrement attachée se trouvait en péril, la reine, dès le premier moment, se rangea du parti de Sacheverell. Cette protection fut encore augmentée par une maladresse commise par les whigs, qui admirent la légitimité de son frère le prince de Galles ; cette circonstance, qui redoubla l’aversion d’Anne pour la succession de Hanovre, l’exaspéra contre ses ennemis et redoubla sa prédilection en faveur d’un homme qu’elle croyait persécuté pour avoir émis et propagé des opinions entièrement conformes à celles qu’elle nourrissait au fond du cœur,

À la même époque, la confiance des tories fut augmentée par la défection des ducs de Shrewsbury, de Somerset et d’Argyle, lesquels, soit ouvertement, soit secrètement, s’employaient activement pour créer des difficultés au parti whig abandonné par eux.