raison, riposta mistress Plumpton, il me retrouvera toujours fidèle.
— J’espère qu’il reviendra bientôt sain et sauf, observa Proddy ; m’est avis qu’il est resté trop longtemps absent ! »
La campagne de 1709 était finie, et le sergent ne revenait pas : les deux dames étaient consternées ; mistress Tipping avait des attaques de nerfs, et mistress Plumpton se livrait à des évanouissements réguliers.
Fishwick leur apporta certain jour une nouvelle qui les plongea l’une et l’autre dans un état de ravissement : le cuisinier avait appris de source certaine, c’est-à-dire de la bouche du duc lui-même, que le sergent était en route pour revenir, et qu’il arriverait d’un instant à l’autre.
Le même matin, Proddy parut avec un air mystérieux qui donnait fort à penser. Il avait reçu une lettre du sergent.
Ces dames supplièrent le cocher royal de leur en communiquer le contenu ; mais celui-ci branla la tête :
« Vous saurez assez tôt ce qui se passe, répondit-il. — Ce qui se passe ! Quoi ? demanda mistress Tipping. Qu’est-il arrivé ?
— Quelque chose d’affreux ! ajouta laconiquement Proddy. Soyez prêtes à tout entendre et à tout voir !
— Grand Dieu ! vous m’épouvantez ! s’écria mistress Tipping ; il n’a pas eu une jambe emportée ?
— C’est pis que cela, fit Proddy.
— Pis que cela ! répéta mistress Tipping ; impossible ! rien ne saurait être pire. Parlez, parlez, ou je vais devenir folle !
— Eh bien ! il a perdu la jambe droite, le bras droit, et, si j’en crois mon rapport, l’œil droit même, répondit le cocher.
— Dans ce cas, il ne doit plus penser à moi, s’écria mistress Tipping.
— Je suis bien aise que l’occasion se présente de lui prouver mon affection, ajouta mistress Plumpton en essuyant une larme ; je l’aimerai tout autant qu’auparavant, peut-être même mieux.
— Sur mon âme, Plempton, vous êtes facile à satisfaire, il faut l’avouer, observa dédaigneusoment mistress Tipping ; je vous souhaite toutes sortes de prospérités.
— Ah ! mais mistress Plumpton ne sait pas tout, remarqua Proddy.