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ABIGAÏL.

fit le duc en s’agenouillant, laissez-moi vous rappeler les fatigues et les privations que je viens d’endûrer tout récemment encore, permettez-moi de vous parler de mes zélés services qui datent depuis vingt ans. Oh ! ne me donnez pas, ne persistez pas à me donner un ordre si humiliant et si désagréable pour moi. Je pourrais bien encore, pour ce qui me regarde, supporter cette indignité, mais, si je la dévoile à l’uaivers entier, cela vous sera aussi préjudiciable à vous-même qu’à moi.

— Relevez-vous, milord, dit froidement la reine. Je suis décidée, et rien ne changera ma résolution. Vous ferez bien de faire part de tout ceci à vos amis, et, lorsque vous aurez pris une résolution, vous me ferez, à votre tour, savoir votre réponse.

— Vous l’aurez bientôt, madame, » répliqua le duc, qui salua la reine avec un sentiment de rage contenue, et disparut sans ajouter une seule parole.


IV


Le sergent Scales revient de la guerre et ramène une femme hollandaise avec lui.


La constance de mistress Plumpton et de mistress Tipping avait été mise à une rude épreuve, car la campagne de 1707 se termina sans ramener le sergent. L’année suivante s’écoula de même, et on doutait que le brave soldat füt de retour pour l’hiver de 1709. Il faut avouer que cette absence prolongée était bien faite pour épuiser la bonne volonté des gens les plus patients.

Pendant presque tout ce temps-là, Scales avait régulièrement correspondu avec ses amis et leur avait envoyé plusieurs descriptions des siéges de Lille, de Tournai et de Mons, et des narrations des batailles d’Oudenarde et de Malplaquet, faits d’armes glorieux auxquels il avait assisté.

Bimbelot et Sauvageon n’avaient point cessé de rendre mille soins aux dames éplorées, et, si les assiduités du caporal avaient