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ABIGAÏL.

à la question du refus de sa nomination, et exprima la résolution de se retirer aussitôt qu’il pourrait le faire convenablement.

« Je suis affligée de voir que Votre Grâce a mal interprété mon refus, répondit Anne ; il n’y a aucun précédent à la faveur que vous réclamez, et je serais inexcusable d’accéder à votre demande. Quant à votre retraite, général, le regret que j’éprouverai d’être privée de vos services sera tempéré par la jouissance d’une chose longtemps étrangère à mon règne, la jouissance d’une paix durable.

— Je comprends Votre Majesté, répliqua sèchement Marlborougb ; mais la certitude même d’être calomnié ne me contraindra jamais à conclure un traité de paix avec le roi Louis, à moins que ce ne soit à des conditions honorables pour vous, et avantageuses à la nation anglaise.

— Ce qui paraît avantageux à Votre Grâce ne le paraît peut-être pas à d’autres, observa mistress Masham.

— Peut-être pas à M. Harley et aux amis de la France, reprit le duc avec ironie ; mais je protégerai les franchises de mon pays, et je confondrai ses ennemis aussi longtemps que j’en aurai le pouvoir.

— Vous êtes impétueux dans vos haines, milord, dit Anne, et cette ardeur est aujourd’hui inutile.

— Non, madame, elle ne l’est point, à cette heure surtout où je vous vois entourée de pernicieux conseillers, répondit Marlborough. Ah ! que n’ai-je encore sur Votre Majesté l’influence que je possédais jadis, et que n’écoutez-vous les avis de votre fidèle amie la duchesse, qui n’a à cœur que vos véritables intérêts !

— Sa Majesté a secoué les chaînes qui l’entravaient ! s’écria mistress Masham.

— Oui, pour en prendre d’autres plus pesantes, ajouta le duc ; la reine ne connaît pas sa position, elle ignore que son honneur, sa gloire et sa prospérité, sont sacrifiés à une indigne favorite !

— Silence, milord ! s’écria sévèrement la reine. Je ne veux plus à l’avenir entendre de pareilles altercations devant moi.

— Ce n’est point une altercation, madame, dit fièrement le duc ; en ma qualité de sujet fidèle et loyal de Votre Majesté, toujours prêt à risquer sa vie pour la défendre, il est de mon