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ABIGAÏL.

L’audience devait avoir lieu dans Westminster-Hall, et l’on fit certains préparatifs pour y recevoir la chambre des Communes. Ces mesures augmentèrent l’impopularité des ministres et firent à Sacheverell, dans le public, la réputation d’un martyr.

Le jugement qui allait décider du sort des deux partis était l’unique sujet de conversation dans les clubs et dans les cafés. Il en résulta de violentes disputes et d’interminables discussions, causes fréquentes de duels et d’attaques nocturnes. Tandis que certains individus en nombre, amis du haut clergé, se promenaient dans les rues, en proclamant avec enthousiasme le nom du docteur et chantant des couplets à sa louange, d’autres vociféraient des imprécations contre ses ennemis.


III


Affront fait par la reine au duc de Marlborough.


Environ une semaine après le séditieux discours de Sacheverell, le duc de Marlborough se présenta à Saint-James. Il avait été rappelé de Flandre en toute hâte par Godolphin, qui lui annonçait l’aspect menaçant des affaires, en ajoutant que sa présence à Londres était leur seule chance de salut.

Autrefois, le retour du duc était salué de clameurs joyeuses par la population entière de la ville ; mais, cette fois, il passa comparativement inaperçu, et, bien loin que son nom et ses faits d’armes fussent cités par toutes les bouches, le duc n’entendit reteuntir que ce cri unanime : « Sacheverell et le haut clergé ! »

La multitude, en son absence, s’était mise à adorer une autre idole.

La reine reçut le général en chef de ses armées avec froideur, et, quoiqu’elle déclarât être charmée de le voir, elle ne fit aucune allusion à la récente victoire de Malplaquet. L’entrevue fut d’autant plus embarrassée qu’elle eut lieu en présence de mistress Masham.

Après avoir causé sur différents sujets, Marlborough en vint