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ABIGAÏL.

de ses fidèles sujets, destiné à faire naître entre eux des sentiments de jalousie et à enfanter de cruelles dissensions. On ordonna à Sacheverell et à son éditeur, Henri Clements, de se présenter à la barre le lendemain même. Ils obéirent, et Sacheverell, accompagné du docteur Lancaster, recteur de Saint-Martin-des-Champs, et d’une centaine d’ecclésiastiques qui avaient épousé sa cause, parut à la barre pour répondre à l’accusation. Il avoua hautement ce qu’il avait fait, et on décida qu’il serait arrêté à la chambre même par M. Dolben.

Dans la même séance, on prit une décision en faveur d’un ministre dont les opinions différaient de celles de l’accusé ; on le nommait le révérend Benjamin Hoadley, et il avait courageusement soutenu les principes adoptés pendant la révolution. Aussi fut-on d’avis qu’il méritait les égards et la recommandation de la chambre. Il fut donc décidé qu’une adresse serait présentée à la reine, à l’effet de la pricr de conférer à ce prêtre quelque dignité ecclésiastique. L’adresse fut ensuite présentée à Sa Majesté par M. le secrétaire Bayle, et, quoique la reine répondit qu’elle saisirait la première occasion favorable pour se rendre aux désirs des mandataires royaux, cette promesse s’effaça probablement de sa mémoire, car il n’en fut plus question depuis.

Au moment de son arrestation, le docteur Sacheverell fut commis à la garde du sergent d’armes, qui le remit entre les mains d’un huissier porteur d’un bâton noir ; il fut ensuite incarcéré, et, lorsqu’on lui communiqua l’acte d’accusation porté contre lui, il y fit une réponse dans laquelle il niait plusieurs points et palliait les autres. Cette réponse écrite fut envoyée par les lords à la chambre des Communes, qui nomma un comité pour l’examiner.

Après de longues délibérations, dans lesquelles le pouvoir d’Harley eut une secrète influence, on présenta à la reine une adresse qui disait que la chambre ne pouvait voir avec calme discuter la bienheureuse révolution, mépriser ses décrets, censurer les régulateurs de l’Église, accuser de méchanceté la tolérance et lever insolemment dans une chaire l’étendard de la rébellion ; aussi, pour ces raisons, les députés se voyaient-ils forcés de faire juger le coupable. La reine écouta les conseils qu’on lui donna, consentit à ce qu’on lui demandait, et le jugement fut fixé au 27 février suivant.