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ABIGAÏL.

— Précisément, ajouta sir Harley. Si j’osais recommander quelqu’un à la reine pour la lieutenance de la Tour, lord Rivers…

— Lui ! bon Dieu ! mais c’est un whig ! s’écria la reine.

— Je le sais ; mais lord Rivers est ami des amis de Votre Majesté, repartit sir Harley en souriant.

— En ce cas, il aura la place, répliqua la reine.

— J’ai rarement sollicité ma gracieuse souveraine pour moi-même, interrompit mistress Masham ; aussi je me hasarde aujourd’hui à demander le régiment pour mon frère, le colonel Hill.

— Il est à lui, répondit gracieusement la reine ; je suis heureuse de pouvoir vous obliger. »

Mistress Masham se confondit en remerciments.

« Marlborough sera cruellement mortifié, observa Harley, et cette circonstance va hâter sa retraite. Sa Grâce n’est plus ce qu’il était, même pour les masses ; Votre Majesté s’en convaincra en assistant à la triste réception qui lui sera faite à son retour. J’ai enfin mené à bonne fin un projet longtemps mûri, pour soulever en notre faveur le haut clergé. L’agent innocent de mes plans est le docteur Henri Sacheverell, recteur de Saint-Sauveur à Southwark. C’est un ministre d’une dévotion outrée, mais aussi d’une grande énergie. Cet homme doit, le 5 novembre prochain, prêcher à Saint-Paul un sermon qui va, comme le tocsin, mettre en mouvement la ville entière. Le texte de son discours sera les dangers causés par de faux frères. J’ai lu ce qu’il prépare, et je puis répondre à coup sûr de l’effet de sa prédication.

— J’aime à espérer qu’il ne nuira pas à votre cause, fit la reine inquiète.

— Oh ! ne craignez rien, madame, répondit Harley ; vous entendrez parler de ce sermon, et vous jugerez vous-même de sa tendance. Son but principal est de prouver que les moyens qui ont été employés pour faire la révolution étaient odieux et injustifiables. Il veut aussi condamner les doctrines de résistance, qu’il considère comme incompatibles avec les principes d’alors, et offensants pour la mémoire du roi défunt. Le second objet qu’il a en vue, est de démontrer que la licence accordée par la loi aux protestants dissidents est tout à fait déraisonnable ; car le devoir de tout ecclésiastique supérieur est d’ana-