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ABIGAÏL.

le marquis de Guiscard ? est-il disposé à acquiescer aux désirs de la duchesse ? consent-il à unir son sort à celui de miss Hill ?

— Il désire réfléchir, répliqua le marquis.

— Réfléchir ! répéta la duchesse ; réfléchir !

— Ce sera plus prudent, repartit Masham.

— Il nous faut une réponse immédiate, dit la reine.

— Dans ce cas, je dois renoncer à l’honneur qu’on voudrait me faire, répliqua le marquis.

— Comment, marquis ? s’écria la duchesse en fureur.

— Après une pareille déclaration, Abigaïl est libre, observa Harley.

— Assurément ! s’écria la reine.

— Mais je proteste ! répliqua la duchesse.

— Allons, duchesse, la reine se déclare contre vous, fit Harley du ton de la plus amère ironie, et personne au monde ne possède un sens plus exquis et une justice plus exacte que Sa Majesté.

— S’il m’avait été permis de prendre la parole, j’aurais en deux mots coupé court à la discussion, ajouta Masham. Le marquis est déjà marié : il a épousé, il y a trois jours, Angélica Hyde, la maîtresse délaissée de M. Henri Saint-John.

— J’ai donc été la dupe de tout le monde dans cette affaire ? s’écria la duchesse exaspérés. Mais, je le vois, tout ceci est une fourberie de M. Harley. Très-bien, marquis ! vous vous repentirez amèrement d’avoir participé à cette trahison.

— Permettez ! ajouta Harley ; je ferai observer que Sa Grâce s’est dupée elle-même, et que maintenant elle exhale sa colère contre les autres. Je supplie Votre Majesté d’ordonner que la cérémonie commence, la duchesse, j’en suis certain, n’y mettra plus obstacle.

— Je me vengerai de vous tous ! s’écria celle-ci en proie à la plus violente colère.

— Écoutez-moi, duchesse, lui dit tout bas Harley, je vous ai prédit que ce mariage précéderait votre chute ; vous êtes donc avertie.

— Vous m’avez vaincue, répondit la duchesse sur le même ton, mais cela ne vous servira à rien. Je n’aurai ni trêve ni repos que je ne vous aie fait chasser du palais. »

En disant ces mots, elle s’élança hors de la chambre sans saluer la reine.