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ABIGAÏL.

mariage ne peut avoir lieu si vous ne l’obtenez pas, poursuivit la reine.

— Je savais bien que Votre Majesté me rendrait justice, fit la duchesse.

— Alors, tout est fini ! car Votre Majesté sait fort bien qu’il est inutile d’implorer mon ennemie, dit Abigaïl.

— Je ne puis rien pour vous, dit Anne. Si j’avais connu l’existence de cet engagement, je n’aurais pas permis que les choses allassent si loin.

— Je reconnais votre loyauté, madame ! s’écria la duchesse ; personne au monde ne possède un sens plus exquis et un tact plus grand que Votre Majesté.

— Comment se fait-il que Sa Grâce n’ait jamais parlé de ce papier avant ce moment ? demanda le prince à son tour.

— J’ai cru que ma défense suffirait, répondit la duchesse : Abigaïl ne devait pas songer à passer outre sans ma permission.

— Puisque Votre Majesté reconnaît à la duchesse le droit exclusif de disposer de la main d’Abigaïl en vertu de ce document, ajouta Harley qui entra en scène, j’espère qu’elle lui accordera le droit, du moment où elle repousse M. Masham, de présenter un autre époux à miss Hill ?

— Vous avez raison, monsieur ; la duchesse nommera sur-le-champ un autre mari, ou le mariage projeté s’accomplira, dit la reine.

— Je souscris volontiers à la décision de Votre Majesté, ajouta la duchesse. Cette décision lui est inspirée par les principes de justice qui l’ont toujours fait admirer. J’ai déjà émis en temps et lieu l’opinion qu’Abigaïl ne pouvait mieux faire que d’accepter les vœux du marquis de Guiscard. Or, puisqu’il faut que je nomme quelqu’un, c’est à lui que j’accorde la main de ma pupille.

— C’est impossible ! s’écria Masham avec indignation ; le marquis…

— Silence ! interrompit Harley. Votre Grâce a fait sa proposition. Si elle est acceptée, fort bien ! Dans le cas contraire, Abigaïl sera libre de faire elle-même un choix ?

— Mais sans aucun doute, répondit la duchesse.

— Écoutez-moi ! s’écria Masham.

— Silence, monsieur ! reprit Harley. Eh bien, donc, que dit