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ABIGAÏL.

— Qui peut nous avoir trahis ? murmura la reine à voix basse à l’oreille de son mari.

— Pourquoi n’ai-je point été invitée ? s’écria la duchesse ; il me semble, pourtant, que moi, la plus proche parente d’Abigaïl, je devais assister à son mariage.

— C’est certainement par oubli, duchesse, lui dit le prince ; mais Sa Majesté a pensé que vous seriez absorbée par le départ du duc pour la Flandre.

— Ceci est un prétexte, prince, répliqua la duchesse offensée ; la reine désirait que je ne fusse point présente à la cérémonie.

— Vous avez deviné juste, duchesse, observa Anne d’une voix ferme, et vous avez trop compté sur mon indulgence en osant vous présenter ici malgré moi. Restez ou partez à votre gré, mais la cérémonie n’en aura pas moins lieu. Commencez, monsieur, ajouta-t-elle en s’adressantà Atterbury.

— Arrêtez ! s’écria la duchesse ; ce mariage est impossible : car moi je m’y oppose ; j’avais prévenu Votre Majesté de ne pas donner son consentement à la légère.

— Votre Grâce n’est ni la mère ni la tutrice de miss Hill ? demanda Atterbury.

— Je les représente toutes deux, répondit la duchesse, et vous allez apprendre sur quoi je fonde ma prétention. Lorsque Abigaïl est entrée au service de Votre Majesté, elle m’a reconnu par écrit le droit exclusif de disposer de sa main. Qu’elle le nie si elle peut. »

Abigaïl garda le silence.

« Puisqu’elle refuse de parler, voici ce document qui suppléera à ses aveux, fit la duchesse, qui présenta un papier à la reine. Votre Majesté pourra se convaincre que j’ai dit la vérité.

— Pourquoi ne m’avez-vous jamais parlé de ceci, Abigaïl ? demanda la reine d’un ton rempli d’aigreur.

— Je ne croyais pas que la duchesse voulôt jamais se prévaloir de ce titre contre moi, repartit Abigaïl.

— Vous traitez cette promesse trop légèrement, dit la reine avec sévérité ; car vous lui avez donné tout pouvoir sur vous. Subissez donc les conséquences de cette imprudence.

— Eh quoi ! Votre Majesté… ! s’écria Abigaïl.

— Il faut demander le consentement de la duchesse, car ce