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ABIGAÏL.

vérité, cette demoiselle est aujourd’hui plus charmante que jamais ! »

Abigaïl Hill n’était pas positivement belle, et cependant l’expression de sa physionomie était si agréable, qu’elle méritait peut-être plus cette épithète que bien d’autres dont les traits sont d’une pureté classique. De beaux yeux d’un bleu clair, une peau resplendissante de blancheur, des cheveux châtains, des joues chargées de gracieuses fossettes et des dents de perles constituaient ses seuls attraits. En la détaillant attentivement, on trouvait sur son front et dans les contours de sa bouche les indices d’une grande fermeté. L’expression sérieuse de son regard annonçait de la détermination : du reste, l’analyse de ses traits en garantissait la direction convenable ; la vivacité de ses manières faisait présager un esprit prompt et subtil, et ces indices n’étaient point trompeurs. Abigaïl avait une jolie tournure, elle était mince, grande et gracieuse ; son costume très-avantageux consistait en un grand habit de cour de satin blanc garni de dentelle, au corsage décolleté et aux manches courtes et bouffantes. La belle jeune fille paraissait âgée d’environ vingt-quatre ans.

En ce moment, la voiture dans laquelle Abigaïl se trouvait assise était parvenue à peu près à l’endroit où stationnait le marquis de Guiscard, lorsque le cocher, prenant babilement son temps, s’arrangea de manière à accrocher le véhicule qui suivait la file à côté de lui. L’automédon lui adressa sur-le-champ les reproches les plus véhéments sur sa maladresse ; il y répondit sur le même ton en l’accusant lui-même ; il en résulta chez le second cocher une colère si épouvantable, qu’il le menaça de le renverser de son siége, à quoi l’agresseur répondit par une imprétation de défi et un coup de fouet. Au même instant l’offensé se leva sur son siége et fustigea son adversaire avec fureur, tandis que ce dernier, tout en se défendant, avait fort à faire pour contenir ses chevaux effrayés qui se cabraient.

Les spectateurs, que cette querelle divertissait fort, l’animaient par leurs clameurs, tandis que les dames placées à l’intérieur commençaient à s’alarmer de tout ce bruit. À la fin, Abigaïl Hill mit la tête à la portière pour voir ce qui empéchait d’avancer. Dans ce moment le marquis de Guiscard s’élança, ouvrit la portière et offrit à la jeune fille de l’aider à descendre de voiture. Mais, en l’apercevant, Abigaïl se rejeta involon-