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ABIGAÏL.

sant, tandis qu’une autre bande, échappée des jardins royaux, vint attaquer la première au milieu des airs.

Cette circonstance imprévue servit de texte à des remarques nombreuses parmi les spectateurs.

Tout le long du chemin, des centaines de visages se présentaient à tour de rôle aux portières de la voiture, distribuaient au duc mille bénédictions ; des milliers de chapeaux, fichés au bout de bâtons, s’agitaient dans toutes les directions, tandis que d’autres étaient lancés dans les airs.

Afin que les habitants du palais ne perdissent aucun détail de ce triomphe, la duchesse avait secrètement ordonné à M. Brumby de passer par la rue Saint-James. Le duc se fût certainement opposé à ce projet, s’il en avait été averti à l’avance, mais il ne s’en aperçut que trop tard. La voiture suivit donc forcément cette route, s’avançant au pas, car une allure plus vive eût été impossible.

En arrivant en face du palais, la foule était si compacte qu’il n’y eut plus aucun moyen d’avancer. Aux cris poussés par le postillon et M. Brumby : « Place ! place ! » la foule ne répondait que par des clameurs et des vociférations, en se pressant de plus en plus autour de la voiture. À la fin pourtant, en présence de la position embarrassante du duc, ceux qui étaient les plus proches s’écrièrent : « Dételons les chevaux, nous traînerons la voiture ! »

Cet appel fut accueilli par de nombreux applaudissements, et les cris : e Dételons les chevaux ! » retentirent de toutes parts.

Le duc était hors d’état de s’opposer à ce triomphe populaire ; en un instant, les limoniers furent dételés par Timperley et les autres domestiques, tandis que les postillons emmenaient les chevaux de flèche.

Tout aussitôt une douzaine de personnes s’emparèrent du timon ; une autre troupe attacha solidement un câble à l’essieu et s’y attela. Brumby demeura sur le siége, faisant claquer son fouet, quoiqu’il n’eût plus de brides en main, et il déclara qu’il n’avait jamais, de sa vie, conduit un pareil attelage.

La voiture se mit alors en mouvement, au milieu des cris et des applaudissements des spectateurs, qui se présentaient par centaines pour servir de relais lorsque les autres seraient fatigués.