poursuivit le duc. Ma femme est hautaine et impérieuse, je l’avoue, mais son cœur vous est dévoué.
— Je ne le nie pas, milord, répliqua Anne, qui se radoucit et modéra sa violence ; je crois que la duchesse m’aime.
— Oui, certes, elle est entièrement soumise aux ordres de Votre Majesté, repartit le duc, et ma dernière prière, en quittant la reine, sera de la conjurer d’avoir confiance en ma femme. »
Et, pliant le genou, le général baisa la main de la reine. « Adieu, milord, fit Anne ; mes vœux vous accompagnent. »
Le duc et le trésorier se retirèrent après avoir salué le prince.
« Je vois que Votre Majesté tient bon pour Abigaïl, observa le prince en prenant une prise de tabac.
— Ceux qui la détestent emploient tous les moyens possibles pour m’attacher plus fortement à elle, répondit la reine.
— J’en suis vraiment bien aise, continua le prince ; Masham est venu me voir ce matin, et m’a conjuré d’intercéder auprès de Votre Majesté au sujet de son mariage.
— Ces perpétuelles sollicitations m’excèdent, s’écria gaiement la reine ; il faut y mettre fin de façon ou d’autre : veuillez faire appeler Abigaïl.
— À l’instant ! » répliqua le prince, qui se hâta d’aller avertir l’huissier en murmurant à part lui : « Il ne faut pas laisser refroidir cette bonne disposition. »
Quelques minutes après, la favorite parut devant le couple royal.
« Le duc de Marlborough et le lord trésorier sortent d’ici, Abigaïl ; ils ont demandé votre renvoi, dit la reine.
— Est-il possible, madame ? fit-elle en tremblant, et dois-je en conclure que… ?
— Vous devez en conclure que vous épouserez demain M. Masham, répondit la reine.
— Oh, madame ! s’écria Abigaïl en se jetant aux pieds de la reine, excusez-moi de ne pouvoir vous remercier comme je le devrais ! Mon cœur seul s’en acquitterait, s’il savait parler.
— Je ne veux point de remercîments, continua Anne ; je suis charmée de pouvoir vous rendre heureuse, et ma conduite avec vous prouvera à vos ennemis que ni leurs menaces ni leurs représentations ne me détourneront de vous aimer et de