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ABIGAÏL.

qui travaille à anéantir les efforts que je fais pour affermir votre grandeur. Si vous tenez à la sécurité de votre cabinet et à la prospérité de ce royaume, je vous conjure de congédier Abigaïl Hill. Cette méchante enfant sert d’instrument à sir Harley, et, aussi longtemps qu’elle demeurera près de vous, prête à insinuer à votre oreille les paroles empoisonnées de ce serpent, nous compterons en vain sur votre confiance. Toutes nos tentatives seront neutralisées. En faveur du zèle et du dévouement que je vous ai toujours montrés, et que je suis prêt à vous montrer encore, que Votre Majesté daigne m’entendre et me croire.

— Ne vous inquiétez pas, milord, de mes arrangements intérieurs, reprit la reine : Abigaïl est tout simplement une femme de service.

— Ostensiblement, oui madame, répondit le duc ; mais vous ignorez vous-même l’influence qu’elle exerce sur vous ; tout le monde le sait à la cour, comme aussi dans les cours étrangères, et cela fait un tort infini à Votre Majesté et à votre ministère.

— Allons, allons ! ceci est une ancienne supposition avec une nouvelle variante, répondit Anne. Il n’y pas bien longtemps, on prétendait que la duchesse de Marlborough me gouvernait, aujourd’hui, on affirme que c’est Abigaïl Hill.

— J’ose espérer que Votre Majesté ne fera pas à la duchesse l’injure de la comparer à Abigaïl, reprit fièrement le duc.

— On ne saurait faire de comparaison, en effet, milord, ajouta Anne.

— Une souveraine a besoin d’une conseillère fidèle, observa Godolphin, et on a toujours dit que c’était un bonheur pour Votre Majesté d’avoir rencontré une confidents pareille à la duchesse.

— Si la loyauté et le dévouement sont des titres à cet emploi, Sa Grâce les possède au plus haut degré, riposta le duc.

— La duchesse en possède d’autres encore, dit Godolphin avec fermeté ; elle a de l’esprit et du bon sens plus qu’aucune autre femme de ce royaume.

— Et de l’arrogance aussi, s’écria la reine avec aigreur.

— Je sens depuis longtemps que Sa Grâce a encouru le déplaisir de Votre Majesté, et cela, je le crains, par sa faute