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ABIGAÏL.

— Oh ! non, marquis, repartit Harley. Il est inutile d’essayer de nier, je puis dénoncer les deux hommes ; mais j’aime mieux étouffer l’affaire que de la révéler.

— Alors, qu’exigez-vous de moi, monsieur ? dit Guiscard.

— Bon ! vous voici devenu raisonnable. Je veux que vous demeuriez en bonne intelligence avec la duchesse, que vous acquiesciez complétement à ses projets, et, lorsquetout sera définitivement arrêté, j’exige que vous suiviez mes instructions. Faites cela, et je ne serai point ingrat.

— Je serai enchanté de vous servir, je vous le jure, monsieur Harley, si cela est en mon pouvoir, répliqua Guiscard.

— Nous nous comprenons parfaitement, marquis, répliqua sèchement l’homme d’État : lorsque je vous ai acheté les lettres qui m’avaient été volées, vous m’avez donné une leçon que je n’oublierai pas de sitôt.

— Ab ! murmura Guiscard à part lui, si la potence n’avait pas fermé la bouche du pauvre Grey, j’aurais pu vous en donner une seconde. Il est important aussi, monsieur Harley, ajouta-t-il tout haut, que vous tâchiez de me mettre à l’abri de l’inimitié de la duchesse.

— Si cela est en mon pouvoir, comptez sur moi, reprit-il ; mais je puis avec plus d’assurance vous promettre la reconnaissance d’Abigaïl, et vous verrez qu’elle contrebalancera avantageusement la haine de Sa Grâce. Voilà qui est convenu ; mais plus de trahison, marquis ?

— Oh ! je ne mérite pas un tel reproche, monsieur Harley, s’écria Guiscard. C’est vous, aujourd’hui, qui faites de moi un traître pour la première fois.

— C’est ma foi vrail répondit Harley, et, comme il est évident que votre intérêt est de me rester fidèle et dévoué, je crois bien que je puis me risquer à me fier à vous. »

Et, sans ajouter un mot de plus, Harley quitta la chambre verte.