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ABIGAÏL.

son attente, s’écria Harley sans pouvoir réprimer la joie qu’il éprouvait. Toutes les vaines famées de gloire de cette femme orgueilleuse vont être dissipées à l’intant. À vant toutes choses, cependant, je demande à Votre Majesté la permission d’adresser quelques questions à Abigaïl. »

Tandis que Harley se mêlait à la foule, la reine ordonna à un huissier d’aller annoncer à la duchesse de Marlborough qu’elle l’attendait.

Dans ce même moment, Abigaïl et Masham dansaient une sarabande, et tous les regards se trouvaient fixés sur eux. L’histoire des différents travestissements du jeune écuyer était connue, et il passait pour un héros aux yeux de la plus belle portion de l’assemblée.

Harley s’approcha du groupe qui entourait les danseurs et aperçut le marquis de Guiscard, qui suivait d’un œil jaloux et vindicatif les mouvements de son gracieux rival. De peur d’être interrompu par lui, Harley se détourna, se tint à l’écart jusqu’à la fin de la danse. Il s’approcha alors d’Abigaïl, et, l’entraînant loin de son amoureux pour quelques instants, il la conduisit dans l’antichambre.

« Ma cousine, dit-il à la jeune fille, j’ai d’excellentes nouvelles à vous apprendre. La reine, à ma prière, consent à votre union immédiate avec Masham. »

Abigaïl poussa une exclamation de bonheur.

« Je ne crains plus maintenant qu’un seul obstacle, poursuivit-il, et cet obstacle viendra de la part de notre ennemie commune, la duchesse. Vous devez vous rappeler qu’elle a menacé d’empêcher votre mariage ? Sur quoi cette prétention est-elle fondée ?

— Hélas ! s’écria Abigaïl, qui se laissa tomber sur une chaise en pâlissant ; j’aurais dû tout vous avouer depuis longtemps !

— M’avouer quoi ? fit Harley. Vous m’effrayez, Abigaïl ; le mal est-il donc irréparable ?

— Je l’ignore, répondit-elle tristement. Vous allez en juger vous-même. Lorsque la duchesse m’introduisit dans la maison de la reine, elle exigea de moi une promesse par écrit par laquelle je m’engageais à la considérer comme une mère, car

la mienne était morte, comme vous le savez, et elle me fit jurer de lui laisser la libre et entière disposition de ma main.