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ABIGAÏL.

l’est la chute de Votre Grâce, et il en sera le précurseur, » répliqua celui-ci du même ton, avec un sourire moqueur qui s’adressait à la femme altière du duc de Marlborough.


VIII


Nouvelle preuve du talent de M. Harley pour l’intrigue.


Quelques jours après cette entrevue, il y eut une seconde réception à Saint-James, suivie, comme la première, d’un grand bal d’apparat.

L’invasion dont on était menacé, au lieu de diminuer le nombre des habitués ordinaires de ces fêtes, avait au contraire amené à la cour une multitude avide de faire étalage de loyauté et de dévouement. La réception fut brillante et le bal très-animé.

Les honneurs de la soirée se partagèrent entre la reine et la duchesse, et il eût été difficile de dire laquelle des deux reçut plus de témoignages de respect. Quelle que fût la mortification d’Anne, elle prit soin de la cacher et se montra plus gaie qu’à l’ordinaire.

La duchesse ne s’imposa point tant de contrainte, et elle se montra ouvertement électrisée par les hommages qu’elle rece vait. Son maintien était plus hautain et plus majestueux que de coutume ; son front trabissait plus d’orgueil, et, tandis qu’appuyée sur le bras de son illustre époux elle causait avec les seigneurs les plus nobles pt les plus puissants du royaume, qui se pressaient autour d’elle, comme aussi avec les principaux envoyés des cours étrangères, il eût été facile de se méprendre et de la croire souveraine maîtresse du trône d’Angleterre.

À vrai dire, si la duchesse accaparait tous les hommages, la majeure partie en était destinée à son seigneur et maître : car, à l’exception de personnes appartenant au parti qui se montrait hostile au duc, tout le monde avait pour lui de l’admiration, de l’affection et de la reconnaissance. D’après l’opinion générale,