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ABIGAÏL.

été trompées toutes les deux : c’était bien M. Masham que j’avais rencontré ; il est resté quelque temps dans le palais, à l’ombre d’un déguisement. J’ai découvert tout ceci au moyen des…

— Des espions de Votre Grâce… interrompit Harley.

— Peu importe comment, reprit la duchesse ; le fait est réel, et je suis en mesure de le prouver à Sa Majesté.

— C’est inutile, reprit froidement la reine ; je le sais déjà.

— Je me flatte alors que Votre Majesté va infliger à la présomption de ce jeune homme le châtiment qu’il mérite, répondit la duchesse. Ah ! le voici, fit-elle en entendant l’huissier annoncer le coupable. Ainsi, monsieur Masham, continua la duchesse, vous avez osé hier jouer, à la reine et à moi, le tour le plus déloyal et le plus effronté ; mais, sans s’occuper plus longtemps de ceci, dites-moi s’il est digne d’un gentilbomme d’avoir trompé, comme vous l’avez fait, Sa Grâce, le duc de Marlborough, afin de le rendre l’instrument aveugle et involontaire de vos intrigues.

— J’ai tout expliqué au général, répliqua Masham, et il m’a accordé le pardon de cette liberté. Le duc a beaucoup ri des détails que je lui ai confiés ; il m’a donné une poignée de main, en ajoutant qu’il espérait que la reine ne m’en voudrait pas plus que lui.

— Je puis porter témoignage de la vérité de ce que Masham avance, fit le prince ; car l’explication a eu lieu ce matin dans mes appartements.

— La bonté du duc dégénère en faiblesse ! s’écria la duchesse furieuse.

— Votre Grâce rétablit l’équilibre de la balance par la qualité contraire, observa Harley.

— La réplique est mordante, monsieur l’ex-ministre d’État, reprit la duchesse. Je suis ravie de voir que vous adoptez le genre épigrammatique ; cette étude vous convient et vous amusera sans doute. »

En ce moment même Abigaïl entra, et regarda autour d’elle avec inquiétude.

« Si Votre Majesté accorde l’impunité à M. Masham, dit tout bas la duchesse à la reine, cela fera grand scandale à la cour.

— Votre Grâce sera satisfaite de la punition que je vais lui