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ABIGAÏL.

— Votre Majesté fait un tort réel à mon protégé par cette supposition, répondit le prince.

— Oh ! mon Dieu, s’il songe à son avancement, il ne fait que suivre en cela l’exemple des trois quarts de mes courtisans, répliqua la reine ; je ne le blâme pas, et cépendant je serais fâchée de voir Abigaïl tomber aux mains d’un ambitieux.

— Je voudrais qu’il fût possible d’éprouver la réalité des sentiments de Masham, ajouta le prince.

— C’est une expérience facile à faire la première fois qu’elle et lui se rencontreront ensemble en ma présence, dit la reine.

— Nous pouvons mander Masham à l’instant, dit le prince, car il est dans mes appartements. »

Le couple royal expédia un huissier pour aller avertir Abigaïl ; mais le serviteur était à peine parti, que la porte s’ouvrit et que Harley parut. Il fut reçu avec beaucoup de bienveillance par la reine et son mari.

« J’espère, monsieur Harley, lui dit Anne, que vous êtes venu pour me rappeler ma promesse, c’est-à-dire l’engagement que j’ai pris de compenser, autant que cela est en mon pouvoir, le dernier échec que vous avez subi ?

— Je n’ai pas oublié votre promesse, ma gracieuse souveraine, répliqua Harley, et je vous la rappellerai lorsqu’il en sera temps ; mais on vient de me dire à l’instant que Masham était de retour.

— Il est vrai, répliqua la reine, vous allez le voir dans un instant ; je l’ai envoyé querir ainsi que votre cousine Abigaïl, qui est en disgrâce complète.

— En disgrâce ! répéta Harley ; je suis désespéré de l’apprendre : mais Votre Majesté plaisante, » ajouta-t-il, rassuré par l’expression de la physionomie de la reine.

Tandis que sir Harley parlait, la porte s’ouvrit une seconde fois, et livra passage à la duchesse de Marlborough.

« Elle arrive toujours quand on la désire le moins, murmura la reine en fronçant le sourcil.

— Sa Grâce, observa Harley tout bas, possède le talent d’entrer toujours mal à propos.

— Je suis venue pour dire à Votre Majesté, dit la duchesse en parlant avec une grande précipitation, et en négligeant presque les formes de l’étiquette habituelle, qu’hier nous avons