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ABIGAÏL.

Monsieur Saint-John, je désire savoir si vous avez vraiment le projet de quitter Londres ? dit-elle à son protecteur.

— Quitter Londres ? répondit celui-ci en lorgnant le marquis ; mais il me semble que oui.

— Resterez-vous longtemps à la campagne ?

— Deux ou trois ans, répondit-il négligemment, si je prends sérieusement goût à l’agriculture.

— Deux ou trois ans ! ajouta Angélica en poussant un cri ; et vous avez arrêté tout cela sans daigner me consulter ?

— Je comptais vous le dire demain en déjeunant, ma chère enfant, dit Saint-John, dont la physionomie était des plus comiques ; vous auriez eu bien assez de temps pour faire vos préparatifs.

— Non, monsieur, le temps ne m’aurait pas suffi, repartitelle, et je vous déclare sans détour que je ne veux pas partir.

— Comme bon vous semblera, ma chère, répondit froidement Saint-John ; votre refus de m’accompagner ne changera rien à mes arrangements.

— Comment ! s’écria-t-elle ; et que deviendrai-je, moi, pendant trois ans ? Vous m’avez pourtant dit, perfide, que vous ne pourriez vivre un seul jour sans moi !

— Faites ce qui vous conviendra le mieux, mon amour, continua Saint-John ; le choix dépend de vous. » Angélica parut hésiter entre un accès de colère et une crise de nerfs ; à la fin elle se jeta pourtant avec impétuosité sur un canapé.

Guiscard voulait lui offrir ses soins, mais elle le repoussa. Au bout de quelques insiants cependant, elle se leva et, du calme le plus affecté, elle dit à Saint-John : « Voulez-vous, monsieur, me faire la grâce de me demander ma chaise ?

— Oh ! très-volontiers, mon ange, dit-il en sonnant et en donnant ses ordres à un domestique.

— Vous avez eu tout à l’heure, marquis, la bonté de mettre votre maison à ma disposition, dit Angélica : eh bien j’accepte votre offre.

— Je suis enchanté ! repondit Guiscard quelque peu confus ; j’espère, Saint-John……

— Point d’excuses, marquis, interrompit l’autre ; vous me rendez en ce moment un service inappréciable.