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ABIGAÏL.

— Je le serais, si je n’étais pas convaincu de votre attachement, observa-t-il d’un ton sec. Mais le souper est prêt. Marquis, veuillez offrir votre bras à Angélica. »

Guiscard obéit avec empressement, la porte s’ouvrit à deux battants, et les convives passèrent dans la pièce voisine, où un repas exquis les attendait, repas auquel ils firent tous honneur. Le champagne circula à la ronde, et, à chaque verre nouveau qu’il buvait, le marquis découvrait de nouveaux charmes à miss Angélica, qui de son côté se montrait fort sensible à son admiration. Un bol de vin de Bourgogne épicé termina la fête, et, lorsqu’il eut disparu dans les verres de chacun, la compagnie retourna au salon, où Guiscard joua au piquet avec Angélica, tandis que que Saint-John et Prior causaient à l’écart.

« La campagne va vous paraître horriblement triste, après l’existence joyeuse que vous avez menée ici, dit tout bas Guiscard à la jeune fille.

— Je trouverai la campagne triste ! répéta nonchalemment Angélica ; que voulez-vous dire, marquis ?

— Oh ! j’avais oublié ! répondit Guiscard, Saint-John ne vous a pas encore fait part de son intention de…

— Son intention de quoi ? interrompit Angélica qui devint tout à coup fort attentive ; est-ce que, par hasard, Saint-John songerait à quitter Londres ? — Ma foi, je n’en sais rien ! reprit Guiscard ; que je suis stupide d’avoir été parler de cela ! à vous à jouer, madame !

— J’exige une réponse positive, marquis, dit la jolie enfant.

— Avant de vous obéir, répondit le marquis, dites-moi une chose : si Saint-Jobn part, le suivrez-vous ?

— Question pour question, répliqua-t-elle en le regardant fixement : pourquoi voulez-vous le savoir, marquis ?

— Je vais vous le dire, fit le marquis en lui lançant une œillade passionnée : si vous préférez rester en ville, ma maison est à vos ordres.

— Voudriez-vous me faire accroire que vous êtes amoureux de moi ? répliqua Angélica en minaudant.

— Je vous adore ! répondit Guiscard.

— Mon cœur bat si fort que je ne puisplus jouer, s’écria-t-elle ; et, jetant ses cartes, elle se leva de la table de jeu.