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ABIGAÏL.

l’assurance qu’il n’y avait aucun danger, sortit de la taverne l’Unicorn.

Afin de se distraire de ses préoccupations, qui n’étaient rien moins qu’agréables, le marquis se hâta de gagner le café du Little man, et, se mettant à une table de pharaon, il ne tarda pes à perdre à ce jeu une somme considérable.

Au moment où il allait doubler son enjeu, une main amie se posa sur son épaule, et en se retournant Guiscard aperçut Saint-John.

« Suivez-moi, lui dit ce dernier, j’ai deux mots à vous dire ; vous n’êtes pas en veine ce soir, et, si vous persistez, vous pourriez vous en repentir. »

Guiscard voulait résister, mais son ami parvint à l’entraîner. « Venez souper avec moi, fit Saint-John en sortant du café ; je pars demain.

— Eh quoi ! vous partez ! lorsque nous sommes à la veille des plus grands événements ! s’écria Guiscard ; alors que vous devriez plus que jamais être sur la brèche !

— J’abandonne la cour et la politique, et je veux essayer des douceurs de la retraite, répondit Saint-John.

— Quoi ! l’ambition serait éteinte dans votre âme ? s’écria Guiscard ; je ne puis y croire. Si l’invasion qui se prépare amenait sur le trône un autre souverain, vous auriez sans doute à regretter d’avoir manqué l’occasion de faire votre fortune.

— J’éprouverais des regrets plus amers, si je participais à la lutte, s’écria Saint-John. Mais trêve à la politique.

— Soit, changeons de sujet, alors, répondit Guiscard ; j’ai remarqué depuis quelque temps une très-jolie femme dans votre voiture, et, quoique je n’aie fait que l’apercevoir, ses traits m’ont paru familiers. Qui est-elle ?

— Mais une de vos anciennes connaissances, répondit Saint-John en riant. Ne vous rappelez-vous plus miss Angélica Hyde ?

— Et ! quoi, la fille de ce curé de campagne ? s’écria Guiscard. Ainsi donc, elle habite avec vous ?

— Voici comment les choses se sont passées, reprit SaintJohn. Angélica préférait tellement la vie qu’on mène à Londres à la monotonie de l’existence écoulée à la campagne, que, lorsque ses parents sont retournés dans le comté d’Essez, rien n’a