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ABIGAÏL.

faites un effort, vous dis-je, ou nous allons tomber aux mains des veilleurs de nuit. On vient… j’entends marcher. »

En disant ces mots, Bimbelot se glissa à pas de loup, et Sauvageon, effrayé par un bruit de pas qui arrivait jusqu’à lui, le suivit en trébucbant de l’autre côté de la rue.

Ces deux hommes arrivèrent enfin à l’Unicorn : c’était une petite taverne bâtie au coin de Haymarket.

Guiscard se tenait sur le seuil, et, sans proférer une parole, il introduisit ses affiliés dans une chambre ouvrant à droite du corridor. Dès que la lumière éclaira Bimbelot et Sauvageon, la vue du sang qui tachait leurs vêtements fit tressaillir l’aventurier français.

« Que diable veut dire ceci ? s’écria-t-il ; votre coup aurait-il manqué ? Mais non, cette entreprise était trop bien combinée et trop facile à exécuter. Donnez-moi vite les dépêches, et vous aurez en échange quelque chose qui sera un baume pour vos blessures, fussent-elles cent fois plus profondes et plus désespérées.

— Avant de nous interroger, monseigneur, vous feriez mieux d’envoyer querir un chirurgien, observa Bimbelot, à moins, cependant, que vous ne vouliez nous voir mourir à vos pieds.

— Vous mourrez certainement, misérables, si vous avez trompé mon attente, s’écria le marquis furieux. Donnez-moi les dépêches, ou bien… »

Ce disant il tira son épée.

« Si c’est ainsi que vous nous traitez, il est temps que nous songions à trouver des soins quelque part, » fit Bimbelot en se dirigeant vers la porte.

Le marquis lui barra le passage. Bimbelot voulait appeler à l’aide, mais Sauvageon l’en empêcha.

« Ce sont là des procédés sans humanité envers des gens qui ont risqué leurs jours pour vous, monseigneur, dit enfin ce dernier. Si nous n’avons pas réussi, l’état dens lequel vous nous voyez vous prouve que nous avons fait de notre mieux et qu’il n’y a pas de notre faute.

— J’ai tort, en effet, mon pauvre garçon, de m’en prendre à vous, répondit le marquis en remettant son épée au fourreau ; mais c’est chose déplorable d’être ainsi privé d’une proie qu’on était presque sûr de tenir. Le sort de ce royaume dépendait de ces dépêches ; si je les avais eues, le succès de l’expédition fran-