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ABIGAÏL.

et à larges parements, en une veste de satin blanc, également brodée d’or ; la cravate et les manchettes étaient en point d’Alençon, et une épée à poignée de diamants, une perruque française à boucles flottantes, un chapeau à plumes et une canne, complétaient son accoutrement.

Antoine de Guiscard, abbé de la Bourlie, ou, ainsi qu’il lui plaisait de s’intituler, le marquis de Guiscard, rejeton d’une noble et antique famille française, était né en 1658, et avait, par conséquent, à peu près cinquante ans à l’époque où se passe notre histoire. Destiné à l’Église, et prodigieusement instruit, ses relations de famille et ses talents sans nombre l’eussent fait sans doute atteindre aux plus hautes dignités dans cette carrière, s’il avait su maîtriser ses passions. Mais au milieu des libertins d’une cour dépravée, il se montrait le plus débauché, et, trouvant la vie ecclésiastique trop monotone pour lui, il avait accompagné le chevalier de Guiscard, son frère, à l’armée de Flandre. Lorsqu’il revint de cette campagne, il avait repris le cours de ses folies et aidé son frère à enlever une femme mariée, dont ce dernier s’était épris. Cette fâcheuse affaire était à peine étouffée, lorsqu’il se créa de nouveaux embarras en blessant en duel un gentilhomme, proche parent de Mme de Maintenon, et en tuant à la chasse deux de ses domestiques. Bof, il avait comblé la mesure par une scène de violence et de barbarie. Sur un simple soupçon de vol, M. de Guiscard condamna certain jour un sergent de son régiment à subir une espèce de torture qui consistait à placer des mèches allumées entre les doigts du patient. L’arrestation du marquis fut décrétée ; il sut s’y soustraire par la fuite et gagna la Suisse, où il forma le projet de se mettre à la tête des mécontents qui complotaient contre la France. À cet effet, il se concerta avec les chefs alliés, afin de susciter une insurrection générale des protestants et des catholiques parmi les camisards qui étaient alors en dissension entre eux. Grâce à ses intrigues, il obtint de l’empereur une commission de lieutenant général ; il se rendit alors à Turin, et, avec le secours du duc de Savoie, il se procura quatre petits vaisseaux de guerre qui furent armés à Nice et avec lesquels il songeait à faire une descente sur les côtes du Languedoc ; mais plusieurs terribles tempètes et certaines autres causes encore entravèrent l’expédition, et le marquis revint à la cour de Savoie après avoir perdu un de