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ABIGAÏL.

dans la chambre : ils venaient chercher la malle du sergent. Les deux dames, honteuses d’avoir été surprises dans une attitude semblable, se hâtèrent de battre en retraite, sprès avoir pressé une dernière fois la main de leur ami.


V


On attaque le sergent Scales dans le parc.


Dès que les porteurs furent partis avec leur fardeau, le sergent quitta la chambre en assurant Proddy qu’il allait revenir.

Le cocher eût été bien embarrassé de dire au juste combien de temps dura son absence, car, accablé par la douleur et par l’abus de l’ale, il s’endormit profondément et ne se réveilla qu’au contact d’une fantastique taloche appliquée sur l’épaule. Il était alors tout à fait nuit, et le sergent Scales se montra à ses yeux, une lumière à la main. « Allons, Proddy, il est temps de partir, mon garçon, s’écria-t-il : il est bientôt huit heures et demie, et c’est, vous le savez, à neuf heures qu’on s’embarque.

— Je suis prêt, sergent, répliqua le cocher, sans réprimer un formidable bâillement : et tout en se frottant les yeux ; je révais que j’assistais à une bataille en votre compagnie, et, lorsque vous m’avez frappé sur l’épaule, j’ai cru qu’un boulet m’avait atteint en pleine poitrine.

— Il est heureux que ce ne soit qu’un rêve, répondit Scales en riant, car votre somme eût alors été un peu plus prolongé. Voyons, les vapeurs de l’ale se sont-elles dissipées ?

— Oh ! tout à fait, répliqua Proddy. Je devine que vous avez été faire vos derniers adieux aux femmes ; mais, dans cette occasion, m’est avis que vous les aurez prises à part l’une après l’autre ? Ah ! ah ! ah ! »

Scales ne nia point cette tendre faiblesse, et il toussa légèrement en 86 frottant le front.

« Vous n’oublierez pas ce que je vous ai dit à leur sujet ? demanda-t-il.