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ABIGAÏL.

sergent, dit Bimbelot ; je présume que vous allez partir immédiatement : pouvons-nous vous aider à porter votre malle ?

— Non, je vous remercie, répliqua le sergent quelque peu radouci par cette offre obligeante ; je la ferai porter tout à l’heure. Proddy et moi nous traverserons le parc ensemble. »

Bimbelot et Sauvageon se regardèrent.

« Ainsi donc, vous serez un peu avant neuf heures au milieu du parc, et à neuf heures vous vous embarquerez ? dit le premier.

— Tout cela est fort exact, riposta Scales.

— Adieu, alors, sergent, dirent les deux Français en saluant le soldat.

— Adieu, messieurs, » répliqua Scales.

Et faisant de nombreuses salutations et force politesses au voyageur improvisé, Bimbelot et Sauvageon s’éloignèrent rapidement.

Après leur départ, la conversation tarit encore une fois.

Scales toussait bien de temps à autre, mais il essayait en vain de parler.

Proddy cuvait son ale sans ouvrir la bouche.

Cet état de choses dura à peu près un quart d’heure. Enfin le sergent, faisant un effort sur lui-même, se leva, mit son chapeau, et d’une voix où, en dépit de ses tentatives pour rester ferme, perçait une vive émotion, il s’écria :

« Il faut nous séparer, mes amis !

— Oh ! non, sergent, hurlèrent ensemble les deux dames en se levant ; ne partez pas encore !

— À quoi servent les délais ? répondit Scales ; il faut en finir. Vous aurez soin de ma chambre pendant mon absence, et vous la nettoierez de temps en temps, n’est-ce pas ?

— Certainement ! elle sera balayée une fois par semaine, et même plus souvent, si vous le désirez.

— Ne touchez pas aux tableaux, poursuivit le sergent ; ils ne valent pas grand’chose, mais j’y tiens ; je ne voudrais pas qu’on dérangeât ni ce fusil, ni cette lame brisée, ni ces gants, ni ces étriers.

— Nous ne toucherons à rien, s’écrièrent les deux femmes, vous retrouverez les choses telles que vous les laissez.

— Je les retrouverai si je reviens, dit gravement le sergent ; le soldat doit toujours parler au conditionnel.