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ABIGAÏL.

IV


Le sergent Scales prend congé de ses amis.


« Un soldat doit toujours être prêt à marcher au premier appel, se dit le sergent à part lui, en retournant à sa chambre. Ainsi je n’ai pas à me plaindre. Néanmoins j’aurais préféré avoir un peu plus de temps par-devers moi. Mais n’importe ! à la guerre comme à la guerre. Mes préparatifs seront bientôt faits, et j’aurai même le temps de dire adieu à mes amis. »

Le brave homme se mit donc à l’œuvre, et, en moins d’une demi-heure, sa modeste garde-robe, composée de six chemises, d’un habillement de petite tenue et de quelques autres articles, fut empaquetée avec un soin tout militaire dans les parois de son caisson. Il s’habilla ensuite en grand uniforme, et s’en alla à la lingerie, où il trouva mistress Plumpton.

Après s’être assis en silence, il regarda fixement la matrone et poussa un profond soupir.

« Ah ! grand Dieu, sergent, qu’avez-vous ? s’écria mistress Plumpton d’une voix inquiète. J’espère que vous n’êtes pas malade ? Prenez un peu de ratafia, ajouta-t-elle en sortant du buffet une bouteille et un verre.

— Au fait, je le veux bien, mistress Plumpton, répliqua Scales ; je bois à la prochaine occasion où nous nous trouverons ensemble ! ajouta-t-il d’un ton moins enjoué.

— Mais je crois que cette occasion se présentera bientôt, sergent, riposta la dame.

— Elle pourra tarder plus que vous ne le pensez, répliqua Scales d’un air de mystère.

— Que voulez-vous dire, sergent ? s’écria mistress Plumpton effrayée ; songeriez-vous à nous quitter ?

— Je suis fâché d’avoir à vous apprendre, répliqua le sergent, que je suis forcé de partir au moment où j’y songeais le moins ; ce malheur est arrivé à plus d’un brave-garçon avant moi.

— Miséricorde, sergent, vous me faites frémir ! répliqua