Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
ABIGAÏL.

Baude, qui remplit chez son maître les fonctions dont je suis chargé auprès de sir Harley. M. Masham est un charmant bomme, n’est-il pas vrai, miss Angelica ?

— Oh ! oui, délicieux ! balbutia la jeune personne.

— Toutes les dames sont de cet avis, reprit Greg, aussi elles sont toutes amoureuses de lui.

— Je serais surprise qu’il en fût autrement, ajouta Angslica.

— Regardez ! s’écria Greg, voici vouir un bien beau cavalier. Il se nomme M. Saint-John, secrétaire à la guerre ; c’est le plus terrible libertin qu’il soit au monde.

— Lui ! un libertin ! est-il possible ? Oh ! miséricorde ! je ne veux pas le regarder, car ma mère dit qu’un libertin est plus à craindre qu’un lion rugissant, et qu’il ne manque jamais de vous dévorer tôt ou tard. Vous me direz le reste quand il sera hors de vue, monsieur Greg, car enfin je ne veux pas perdre de mon plaisir plus qu’il n’est nécessaire.

— Le lion rugissant est parti, répliqua Greg en riant ; et voici le duc de Beaufort et la duchesse, sa ravissante femme. Sa Grâce n’est-ells pas vraiment belle ? La dame qui vient après, et qui a l’air si fer et si hardi, est lady de Cecil. Les trois dames qui rient aux éclats dans cette voitures sont lady Carlisle, lady Efingham et mistress Cross ; vient ensuite lord Ross, pour lequel on prétend que lady Sunderland se montre plus bienveillante qu’elle ne devrait l’être : mais je soupçonne que c’est une médisance. Ah ! qui vient là ? sur mon âme, c’est lady Fitzharding, chez qui les dissipateurs extravagants se ruinent plus promptement en jouant à l’hombro ou au lansquenet, qu’en dépensant leur argent chez l’intendant des menus plaisirs.

— Oh ! génération aveugle et perverse ! s’écria Hyde en levant les yeux au ciel.

— Vous avez bien raison, mon révérend, répliqua Greg. Voici venir encore du gibier à sermon, en la personne de Sa Grâce de Grafton. Voyez avec quelle désinvolture il se balance au fond de sa voiture ! Ses charmes ont fait d’affreux ravages dans les cœurs de nos dames de cour ; jamais aucune ne lui a résisté, à l’exception de mistress Onslow. Et maintenant, voici la grosse mistress Knigt ; je pourrais, si je voulais, vous conter d’elle une divertissante bistoire, mais… Après elle s’avance milord Hottingham, qui paraît aussi taciturne que s’il n’était