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ABIGAÏL.

— Assez, interrompit la reine ; M. Masham achèvera son temps d’exil. S’il reparaît avant l’expiration des trois mois, il encourra mon plus vif déplaisir.

— Je suis charmé d’entendre Votre Majesté parler de la sorte, reprit la duchesse. Mais j’ai encore plusieurs communications à vous faire ; voudriez-vous, reine, rentrer dans votre cabinet ? »

Anne consentit au désir de la duchesse, et ces deux femmes passèrent ensemble dans l’intérieur des appartements.

« Je ne pourrai jamais assez remercier Votre Altessa, s’écria Abigaïl, qui resta en arrière avec le prince ; sans votre assistance, tout aurait été infailliblement découvert.

— Il faut avouer que vous l’avez échappé belle, s’écria le prince en riant. Mais je songe à faire une nouvelle surprise à la duchesse : il m’est impossible de m’arrêter en ce moment pour vous dire ce qu’il en sera ; pour réussir, je n’ai pas une minute à perdre. Entrez chez la reine, de crainte d’éveiller des soupçons ; je vous rejoindrai tout à l’heure, et peut-être verrez-vous encore Masham. Ah ! ah ! allez, allez. »

Et le prince se hâta de sortir par une porte, tandis qu’Abigaïl disparaissait par une autre.


II


Mystification de la duchesse de Marlborough.


Pendant toute la scène qui précède, Snell avait été conduit par Masham et par Proddy dans un cabinet attenant à la galerie. Le premier enferma le pauvre diable, après lui avoir donné certaines assurances qui suffirent pour le calmer.

Quand tout ceci fut achevé, Proddy s’en alla, et le jeune écuyer se disposait enfin à s’éloigner, lorsqu’il aperçut le prince qui venait à lui. Le mari de la reine lui adressa quelques mots à voix basse ; puis Son Altesse mit une lettre dans la main de son interlocateur, et rebroussa chemin, tandis que Masham se hâtait de regagner sa chambre.