Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
ABIGAÏL.

vice avec le consentement de la reine. Regardez-le de près, et vous vous apercevrez sur-le-champ de votre méprise.

— Sur mon âme, ce n’est pas Masham, se dit Abigaïl qui s’éloigna avec confusion de celui qu’elle croyait être son amant ; comment ai-je pu me tromper ainsi ?

— Votre Altesse se trompe, et non pas mai, observa la duchesse ; j’affirme que c’est là M. Masham.

— Non, Votre Grâce, je ne suis pas M. Masham, et je ne l’ai jamais été, s’écria Snell.

— Qu’entends-je ? mais ce n’est pas sa voix en effet ! s’écria la duchesse qui, s’élançant vers le valet, le contempla avec consternation. Cet homme n’est pas le même que celui que j’ai rencontré dans la galerie.

— Si fait, Votre Grâce, car il vient tout à l’heure de me conter l’aventure, interrompit le prince. Du reste, la méprise est toute naturelle : il ressemble si bien à Masham, qu’il m’arrive souvent de l’appeler de ce nom : n’est-il pas vrai ?

— Oui ! Votre Altesse, très-souvent, répliqua Snell.

— Malédiction ! » s’écria la duchesse qui, se remettant à l’instant, se tourna vers Abigaïl en ajoutant : « Puisque ce n’est pas là M. Masham, comment se fait-il que cet homme était à vos pieds ? Ce n’est pas là la posture habiluelle de laquais en présence des dames.

— Il avait sans doute une faveur à lui demander, dit le prince.

— C’est vrai ! je sollicitais une faveur, répliqua Snell.

— Ab vraiment ! Et… quelle était-elle ? demanda la duchesse.

— Décidément, vous tenez à tourmenter ce pauvre garçon, duchesse, reprit le prince.

— Que Votre Altesse me pardonne, répliqua celle-ci ; mais toute cette affaire est si mystérieuse et si embrouillée, que je ne prendrai aucun repos avant de l’avoir tirée au clair. Écoutez, drôle, puisque vous prétendez m’avoir rencontrée tout à l’heure dans la galerie, je présume que vous n’avez pas oublié ce qui s’y est passé. Je vois que vous vous préparez à mentir ; confessez sans détour votre imposture, ou malheur à vous !

— Songez qu’il y va de votre vie ! murmura le prince d’un ton significatif à l’oreille de Snell.