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ABIGAÏL.

— Je voudrais que vous n’y eussiez jamais songé, fit Snell.

— Comment ! s’écria Abigaïl pétrifiée de surprise et d’indignation.

— Tout cela regarde mon camarade, et non pas moi ; répliqua le pauvre diable.

— Votre camarade ! s’écria-t-elle ; mais de qui parlez-vous, monsieur ?

— De… de… de… je ne sais pas bien prononcer son nom, dit-il.

— Voilà qui est extraordinaire ! s’écria-t-elle ; plaisanter, et dans un pareil moment surtout ! adieu pour toujours, monsieur. Je vous laisse le soin de faire agréer vos excuses à la reine. Alors même qu’elle serait indulgente, moi je ne vous pardonnerai jamais.

— Qu’ai-je donc fait madame ? s’écria Snell en tombant à genoux devant elle, et en la retenant par sa robe ; quelle nouvelle maladresse ai-je commise ?

— Cette demande est superflue, répondit Abigaïl en cherchant à se dégager ; relevez-vous et laissez-moi : on vient. »

Avant que la jeune dame eût pu se délivrer de l’étreinte de Snell, la porte s’ouvrit et la reine, suivie de la duchesse de Marlborough, s’avança dans l’antichambre.

« Regardez ! s’écria la duchesse en indiquant d’un air triomphant Snell toujours agenouillé et qui leur tournait le dos. Vous voyez la preuve de ce que j’ai avancé. Voilà comment les ordres de Votre Majesté sont respectés ! Vous êtes trahie, madame, par ceux en qui vous placez une confiance illimitée ; après une désobéissance aussi flagrante, hésiterez-vous encore à bannir pour toujours Abigaïl de votre présence ?

— Vous êtes prompte, duchesse, répondit froidement la reine ; ce qui se passe est peut-être facile à expliquer.

— À expliquer ! répéta la duchesse avec dédain ; il n’y a qu’une explication possible ; et je pense que Votre Majesté ne récusera pas le témoignage de ses propres yeux ?

— Je ne suis pas du tout sùre de l’identité de M. Masham avec la personne ici présente, fit la reine.

— Sa Grâce est victime de l’erreur la plus extraordinaire, répondit le prince Georges, qui, debout sur le seuil de la porte, riait de ce qui arrivait au sujet de son écuyer. Cet individu est Mézausène, un valet que j’ai dernièrement pris à mon ser-