Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
ABIGAÏL.

qu’ici ? vociféra le prince exaspéré ; pourquoi avez-vous revêtu ce costume ?

— Je suis bien fâché d’avoir agi de la sorte, reprit Snell, j’ai été un grand sot de prendre tant de peine.

— Je commence à croire que vous êtes encore plus lâche que fou, dit le prince dont la colère se changea en une sorte de dégoût. Malheureux que vous êtes, vous ne méritez pas d’être le but des pensées d’une dame. Allons, allons ! vous n’êtes pas l’homme que je croyais.

— Non, en vérité, je ne le suis pas, Votre Altesse, répondit Snell.

— En adoptant la livrée d’un laquais, vous en avez pris les sentiments, poursuivit le prince avec une fureur concentrée ; je venais ici pour vous aider, mais je suis indigné, et vous chasse à tout jamais ; je souhaiterais que Sa Majesté vous fit pendre, et elle le fera, si elle suit mes conseils.

— Ne le lui conseillez pas, Votre Altesse, hurla Snell en tombant à genoux ; pardonnez-moi cette fois, je ne vous offenserai plus désormais.

— Qui diable êtes-vous donc ? s’écria le prince ; vous n’êtes point Masham ; bon ! j’y suis, c’est là quelque nouveau stratagème ! Allons ! répondez, où est votre complice, drôle ?

— Je suis ici, Votre Altesse, répliqua le jeune écuyer qui se montra sur le seuil de la porte.

— Comment, un autre travestissement ? demanda le prince.

— Oui ! J’ai changé d’habits avec ce jeune homme, répondit Masbham, dans le but de tromper la duchesse.

— Par ma foi, l’idée n’est pas mauvaise, à la condition toutefois qu’elle réussisse, dit le prince en riant. Mais je crains que ce garçon ne gâte tout, par ignorance. Je vais tâcher de lui faire peur, afin qu’il m’obéisse aveuglément. Écoutez ici, drôle ! ajouta-t-il en se tournant vers Snell ; vous êtes dans une position très-fâcheuse, je dirai même fort périlleuse. Le silence est votre seul chance de salut.

— J’obéirai aveuglément aux ordres de Votre Altesse, s’écria Snell.

— Eh bien donc relevez-vous, dit le princs, prenez un maintien hardi, et, si vous tenez à votre peau, ne bougez pas d’ici. Et maintenant je me retire, continua-t-il en parlant à Masham à voix basse ; car ma présence, si nous étions surpris, exciterait