Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
ABIGAÏL.

sur sa tête le petit bonnet rond en velours noir du garde, et en s’emparant de sa hallebarde ; soyez tranquille, il ne vous arrivera rien. » | Tout en parlant ainsi, Masham aida son compagnon à achever sa métamorphose, et, lorsque cela fut fait, Snell ressemblait tant au ci-devant Mézausène que celui-ci ne put s’empèécher de rire de cette ressemblance. Il crut pourtant devoir mettre un terme à sa gaieté, et suivi de ce laquais de sa façon, il descendit l’escalier et se hâta d’arriver à l’antichambre, où il indiqua à Snell le poste qu’il devait occuper. Puis il alla se placer de l’autre côté d’une porte ouverte, qui communiquait avec la galerie.

Snell, très-ému, se demandait ce qui allait arriver, lorsque le prince Georges de Danemark, sortant tout à coup de l’appartement de la reine, se dirigea vers lui d’un pas rapide et d’un air mystérieux. Le pauvre diable détourna la tête, et feignit de chercher quelque chose tombé à terre.

« Mordieu ! j’en étais sùr s’écria le prince. La duchesse a découvert votre déguisement et elle vient de vous dénoncer à la reine.

— Dénoncé… quoi… à la reine… Votre Altesse ! bégaya Snell, sans oser lever les yeux.

— Elle lui a dit qui vous étiez, parbleu ! reprit le prince ; que pouvait-elle lui dire, excepté cela ? Je me suis échappé pour venir vous avertir ; et maintenant, comment allez-voos faire ?

— En vérité je n’en sais rien, Votre Altesse, répondit Snell d’une voix troublée.

— Mais, sot que vous êtes, s’écria le prince avec irritation, vous vous êtes mis une mauvaise affaire sur les bras : c’est à vous de vous tirer de là du mieux que vous le pourrez. »

Snell poussa un gémissement prolongé.

« La première conséquence de votre désobéissance sera, je le crains, le renvoi d’Abigaïl, poursuivit le prince.

— Oh ! je me moque de cela, pourvu que je m’en tire ! s’écria Snell.

— Mais quoi ? Comment ? J’ai assurément mal éntendu ; s’écria le prince ; vous vous moquez de la disgrâce d’Abigaïl ? peut-être aussi êtes-vous indifférent à ce qu’elle deviendra.

— Mais, certainement, cela m’est fort égal, dit Snell.

— Malédiction ! Pourquoi vous êtes-vous alors aventuré jus-