Page:Ainsworth - Abigail ou la Cour de la Reine Anne (1859).pdf/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
ABIGAÏL.

lieu de porter une perruque, il avait le front découvert, et ses longs cheveux de couleur brun foncé étaient rassemblés par derrière et noués avec un ruban.

Samuel Masham était issu d’une benne famille du comté d’Essex. Son père était sir Francis Masham, baronnet High-Laver, et sa mère était fille de sir William Scott, de Rouen en Normandie, lequel portait en France le titre de marquis de La Moransène. Mais comme il était le huitième fils de son père, il avait presque fait son deuil de jamais posséder ni titres ni patrimoine. Macham était âgé d’environ vingt-trois à vingt-quatre ans tout au plus, et demeurait à la cour déjà depuis quelque temps. D’abord page de la reine lorsqu’elle n’était que princesse de Danemark, il était devenu écuyer et gentilhomme de la chambre du prince Georges.

« Avec votre permission, ma jolie fille, dit-il à Angelica, d’un accent qui noya son cœur dans un océan de délices, je désirerais passer.

— Par ici, monsieur Masham, par ici, répliqua Greg en se réculant et en s’efforçant de faire faire place au jeune seigneur.

— Ah ! c’est vous, monsieur Greg ! s’écria Masham ; que faites-vous donc ici ?

— Je suis venu, monsieur, répliqua Greg, avec quelques cousins qui habitent la province, dans ie but de voir la noblésse qui se rend à la cour.

— Par ma foi ! vous ne trouverez pas dans tout le cortége d’yeux plus brillants ni de joues plus fraîches que celles que vous avez près de vous, répondit Masham en caressant le menton d’Angelica ; ces lèvres sont vraiment aussi vermeilles que des cerises ! Mais il ne faut pas que cette séduction me retienne, car j’ai un mot à dire au comte da Briançon avant d’entrer au palais. »

En disant ces mots, Masham adressa une tendre œillade à Angelica, et fendant la foule, il frappa à la porte de la maison qui faisait le coin de Pall-Mall, et disparut aussitôt.

« L’hôtel dans lequel il vient d’entrer, reprit Greg, est celui du comte de Briançon, envoyé extraordinaire du duc de Savoie. » Le bonhomme était ravi d’avoir, par lui-même et sa jolie cousine campagnarde, attiré l’attention du bol écuyer. « Je suis très-lié, poursuivit-il, avec son secrétaire particulier, M. Claude