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ABIGAÏL.

si lentement, se nomme lord Oxford ; c’est encore un ministre et un des plus habiles, mais peu apprécié par Sa Majesté notre reine, à cause d’un reproche qu’il s’est permis d’adresser au prince de Danemark au sujet de la mauvaise administration de Son Altesse dans les affaires de la marine. Derrière iui, vient le duc de Devonshire, et après le duc, Sa Grâce de Newcastle. Ensuite voici mon maître, sir Harley, auquel on fera injustice si où ne le nomme pas bientôt grand trésorier du royaume. Regardez-le bien, je vous prie, miss Angelica, il en vaut la peine.

— Oh ! je le vois, répondit Angelica, mais je ne découvre rien de bien admirable en lui.

— Beaucoup de personnes de votre sexe ont été d’un avis contraire, répliqua Greg en souriant ; comment trouvez-vous le jeune gentilhomme qui l’accompagne ?

— Pour celui-ci, fit-elle, franchement c’est autre chose.

— Qui peut être ce jeune homme, ami Greg ? demanda l’ecclésiastique.

— Il s’appelle Masham, répondit Greg ; c’est un des écuyers du prince de Danemark ; il passe pour être l’homme le mieux fait de la cour.

— Quant à moi, je déclare que c’est le plus faux garçon que j’aie jamais vu de ma vie ! s’écria Angelica dont les yeux étincelaient. Oh ciel ! ne voilà-t-il pas qu’il descend de voiture ! J’espère qu’il ne va pas venir me parler. Mère, prêtez-moi votre éventail peur me cacher la figure.

— Silence, petite sotte ! » riposta mistress Hyde d’une voix courroucée.

Tandis que la brave dame parlait ainsi, la voiture s’arrêta, et Masham descendit en refermant la portière derrière lui. L’éloge de Greg était mérité : le jeune écuyer possédait toutes les conditions d’une beauté et d’une distinction parfaites ; ses yeux d’un bleu limpide devaient exercer une grande puissance sur toutes les femmes, car lorsque, retenu un instant par la foule auprès d’Angelica, il fixa son regard sur elle, elle sentit son cœur trembler dans sa poitrine.

Son accoutrement n’était pas splendide, mais il était du meilleur goût. Il se composait d’un habit de velours vert lamé d’or, d’une veste de satin blanc dont les longues basques descendaient jusqu’à la moitié des cuisses, selon la mode d’alors. Au