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ABIGAÏL.

que ce passe-temps si coûteux n’a d’autre but que d’enrichir le commandant en chef, le comte de Rochester, qui prêtera son appui à la nouvelle administration, sa propose de demander pourquoi on attaque la France du côté de la Hollande au lieu de le faire du côté de l’Espagne, but principal de la guerre. Nous remporterons là des succès plus importants si nous avons une armée plus considérable que celle que commande le brave et téméraire comte de Péterborough. L’opinion publique se prononce contre la continuation de la guerre. Nous avons acheté nos triomphes trop cher, et, si la populace bruyante perd Marlborough, son idole, on peut à un prix moins élevé lui acheter un nouveau hochet. Quant à lord Godolphin, sa retraite, n’en déplaise à Votre Majesté, sera à peine sentie, car c’est un homme facile à remplacer…

— Par monsieur Harley ! riposta le prince avec ironie.

— Non, Votre Altesse, par un homme plus habile, répliqua Harley, par lord Poulet. Je serai satisfait de rester au poste que j’occupe aujourd’hui, ou de remplir tout autre dans lequel je pourrais servir Sa Majesté. La reine n’a-t-elle pas exprimé le désir qu’en cas de changement je devinsse chancelier de l’Échiquier ?

— Afin de mieux tenir le vrai pouvoir en main, murmura le prince.

— On pourrait à l’instant former un ministère tory, dont Rochester, Nothingham, Haversham et Darlmouth seraient membres. Tout aussitôt les projets favoris de Votre Majesté seraient mis à exécution, vous ne seriez plus contrecarrée avec arrogance et persistance, comme vous l’avez été par les whigs insolents et despotes.

— Monsieur, dit Anne, vous faites de belles promesses,

— Je ne promets rien que je ne puisse tenir, madame, reprit Harley, et je jure aussi à Votre Altesse, ajouta-t-il en s’adressant au prince, de la délivrer des sarcasmes auxquels elle a été en butte, au sujet de son administration de l’amirauté. Votre Altesse doit dejà aux tories un peu de bienveillance, pour un service spécial qu’ils lui ont rendu, et que je ne veux pas rappeler ici.

— Je n’oublie pas le riche douaire qu’ils m’ont alloué au cas où ma chère reine viendrait à décéder avant moi, mais j’espère, monsieur, que je n’en profiterai pas, répliqua le prince avec un