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ABIGAÏL.

— Vous sentez-vous mieux maintenant, mon enfant ? dit la reine, qui avait prodigué les plus tendres soins à Abigaïl. J’espère que de pareilles crises ne se renouvelleront pas.

— Je n’en aurai jamais plus, j’en suis sûre, ma gracieuse maltresse, si vous daignez révoquer la condamnation qui pèse sur M. Mashan, répliqua Abigaïl.

— Oh ! n’insistez pas sur ce point, Abigaïl, répondit la reine, je ne le puis. Retirez-vous dans votre chambre ; moi, je vais daos la bibliothèque trouver M. Harley, à qui j’ai accordé une audience. Venez, prince, nous nous sommes assez fait attendre. Soignez-vous, mon enfant, et lâchez de ne plus penser à M. Masham. »

Abigaïl rentra dans les appartements intérieurs sans oser lever les yeux sur son amant, qui ouvrait la porte à la reine.

Le prince Georges demeura un peu en arrière, afin de pouvoir dire à l’oreille de son écuyer : « Sans moi, mon ami, vous tombiez dans un terrible guépier. Prenez garde de ne pas vous laisser reconnaître, je serais de moitié dans la confidence. Me voici, je vous suis, Majesté, » s’écria-t-il en ajoutant : « N’oubliez pas ce que je vous ai dit, Masham, je veux dire Mezausène. Le diable m’emporte ! j’espère que Sa Majesté n’a rien entendu. »

Et le bon prince se hâta de rejoindre lu reine.


XIX


Marlborough et Godolphin demandent à la reine le renvoi de sir Harley.


La reine et le prince entrèrent ensemble dans la bibliothèque du château, vaste et belle salle aux murailles élevées, construction élégante qui avait été faite sous le règne de Charles II et quelque peu modifiée par les ordres de Guillaume III. Le plafond était à demi cintré et les corniches richement fouillées. Les fenêtres, de forme carrée et d’un ordre sévère, aux encadrements entourés d’arches rondes, soutenues par des pilastres dans le genre italien, s’ouvraient sur les jardins du palais.