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ABIGAÏL.

fin ! continua-t-il à voix basse et en faisant un geste de menace à l’écuyer terrifié.

— Je vous trouve bien pâle, Abigaïl, dit la reine à sa demoiselle d’honneur ; vous êtes certainement malade.

— Ce n’est rien ! je serai mieux tout à l’heure ! dit Abigaïl d’une voix mourante.

— Mais votre pâleur augmente ! s’écria la reine alarmée. Une chaise ! »

Masham s’élança pour apporter le siége demandé : mais le prince le lui prit des mains et le présenta à Abigaïl, qui s’y laissa tomber.

« Des sels ! cria la reine ; il y a là, sur cette table, un flacon qui en contient. »

Masham se hâta d’obéir, et, dans son empressement, il renversa deux vases de porcelaine, qui’se brisèrent en éclats sur le plancher. Confondu de sa maladresse, le jeune homme demeurait immobile ; mais le prince, lui adressant un coup d’œil de mécontentement, accourut, lui arracha des mains le flacon de sels, et le fit passer à la reine.

« Voilà un domestique bien maladroit, se contenta de dire Anne en faisant respirer les sels à Abigaïl ; comment s’appellet-il ?

— Masham ! répondit Abigaïl d’une voix mourante.

— Masham ! allons donc ! s’écria le prince ; la pauvre affolée pense éternellement à son amant. La reine désire savoir votre nom, drôle ? ajouta-t-il en s’adressantà Masham et en clignant de l’œil ; comment vous nomme-t-on ? Tomkins ou Wilkins ? hein ?

— Ni l’un ni l’autre, Votre Altesse, répondit-il ; je m’appelle Mezausène.

— Mezausène ? Ah ! reprit le prince. Eh bien ! alors, monsieur Mezausène, j’espère qu’à l’avenir vous serez plus adroit, Votre physionomie me plaisait assez, et j’avais l’intention de vous attacher à mon service’personnel ; mais, puisque vous avez les mains aussi peu sûres, cela ne se peut pas.

— J’implore le pardon de Votre Altesse ! fit Masham.

— Bon, bon, je vous passe cette première faute, répondit le prince ; rendez-vous ce soir dans mes appartements, dans mes appartements, entendez-vous ? poursuivit-il d’un air significatif, auquel Masham répondit par un profond salut.