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ABIGAÏL.

à prendre pour la soirée, et ils se séparèrent convaincus que tout irait à merveille.

Les six jours d’intervalle s’écoulèrent, et le septième arriva plus vite qu’on n’y avait songé. Ce jour-là, dès le matin, le sergent prit des airs d’importance, comme s’il sentait réellement, de ce moment, la grandeur de sa tâche. Il allait et venait dans la cuisine, donnant des ordres aux marmitons ; puis il s’occupa à fourbir ses buffleteries, et s’exerça un peu à la sourdine sur son tambour, en fredonnant à demi-voix une de ses chansons favorites.

Vers midi, Tom Jiggins, le fifre, arriva. Il se dirigea tout droit à la chambre du sergent, et les deux artistes demeurèrent enfermés ensemble jusqu’au diner, étudiant avec zèle les airs de danse qu’ils devaient jouer le soir.

Tom Jiggins était un homme de petite taille, aux traits prononcés, et assez semblable au sergent en diminutif. Il possédait un grand nez, la lèvre supérieure très-longue et un menton d’une rondeur démesurée. Il mesurait cinq pieds de haut et s’efforçait de perdre le moins possible de sa taille. Ses yeux avaient ce regard fixe commun aux morues, et aux gens qui jouent d’un instrument à vent. Jiggins portait un uniforme bleu, orné de parements et de revers blancs : sur son épaule gauche se pavanait un large ceinturon blanc, auquel était attaché avec un cordon l’étui de son fifre ; de l’autre côté pendait son épée. Un bonnet de police fiché sur une perruque poudrée et terminée par une longue queue complétait son accoutrement militaire.

Aussitôt après le diner, le fifre et le sergent firent une seconde répélition après laquelle, se trouvant sûrs d’eux-mêmes, ils passèrent ensemble l’après-midi à savourer deux pots d’ale et à fumer plusieurs pipes.

À mesure que la nuit approchait, et lorsque les travaux du

jour furent achevés, on s’occupa activement des préparatifs de la soirée. La cuisine se trouva bientôt débarrassée et éclairée à l’aide de chandelles placées sur la cheminée, sur le dressoir et sur les planches. Lorsque le sergent et Jiggins y pénétrèrent, à huit heures moins un quart, tout était en ordre pour recevoir la compagnie.

Au moment même où l’horloge sonnait l’heure indiquée par les invitations, le bruit d’une lutte se fit entendre dans le cor-