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ABIGAÏL.

— En attendant, je suis disgraciée et Masham est exilé, dit Abigaïl en soupirant.

— Ces deux malheurs ne seront pas de longue durée, reprit Harley. Le vent qui souffle contre nous aujourd’hui nous sera favorable demain. Imitons le général romain, et obtenons la victoire avec notre défaite.. »


XVII


La soirée musicale et dansante du sergent Scales.


« Voulez-vous que je vous fasse un aveu, Proddy ? disait le sergent en admirant avec son ami la flamme bleue d’un bol de punch servi à Marlboroug’s-Head, dans Rider-Street. (Scales fréquentait cette maison, non-seulement à cause de son enseigne, mais encore pour la finesse et la qualité exquise des liqueurs qu’on y consommait.) Voulez-vous que je vous confesse une chose ? Eh bien, j’ai été très-satisfait ce matin de la conduite de ces deux mounseers.

— Et moi aussi, répondit Proddy, surtout de celui de Savage John. J’éprouvais contre lui une certaine haine tout d’abord, mais en amitié c’est toujours par la haine qu’on commence. Il fut un temps où je vous détestais, sergent.

— Après de mûres réflexions, continua Scales, qui était trop absorbé pour faire attention aux remarques du cocher, j’ai résolu de les inviter à un bal. Je sais que cela fera plaisir à nos femmes ; et puis, un bal est toujours du goût des mounseers ; car les Français sont gais, il faut leur accorder cette qualité.

— Bravo ! j’aime moi-même beaucoup à danser, sergent, et je suis un assez bon danseur. Vous ne le croiriez peut-être pas, fit Proddy, qui, posant sa pipe, exécuta un ou deux pas chorégraphiques. Avant d’engraisser et de devenir aussi gros que je le suis, je dansais la gigue aussi bien que qui que ce soit. Là, ajouta-t-il en faisant un entrechat et en se posant sur un pied, que pensez-vous de cela ?

— Admirable ! s’écria Scales ; aussi, je me décide. Nous don-