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ABIGAÏL.

— Je-comprends Votre Majesté, répliqua Masham en s’inclinant, vous me bannissez de la cour. »

Anne fit un léger signe d’assentiment, et le prince Georges se consola en aspirant une énorme prise de tabac.

« Voici la première fois que j’ai vu Votre Majesté faire une injustice, dit Abigaïl à la reine.

— Ma cousine, prenez garde, murmura Harley à son oreille.

— Peut-être me taxerez-vous aussi d’injustice, Abigaïl, reprit la reine, quand je vous ferai remarquer l’étiquette qui veut que, lorsqu’une demoiselle d’honneur se marie sans mon consentement, elle perde sa place et ma faveur… »

Abigaïl allait répondre, mais elle sentit à son bras une légère pression qui retint les paroles éparses sur ses lèvres.

Un instant après, le secrétaire d’État passa adroitement près de Masham, et lui dit à l’oreille :

« Après ce qui s’est passé, il convient que vous vous retiriez. Le jeune écuyer s’avança donc immédiatement vers le prince Georges, baisa la main que lui tendit gracieusement le mari de Sa Majesté, et, faisant une profonde révérence à la reine, il allait se retirer quand Abigaï ! l’arrêta.

« Je prie Votre Majesté de souffrir que M. Masham demeure encore un instant, dit-elle, j’ai une grâce à vous demander en sa présence.

— Ne lui demandez donc pas son consentement aujourd’hui, fit Harley à voix basse, vous échouerez ; attendez une autre occasion.

— Monsieur Masham, vous pouvez sortir, dit Abigaïl confuse et rougissante.

— Non, ma chère enfant, puisque vous l’avez rappelé, il est juste qu’il entende ce que vous avez à dire, observa le prince Georges, qui, par excès de bonté, faisait souvent des maladresses.

— Votre Majesté vient de dire tout à l’heure que celle de ses femmes qui promettrait sa main sans son consentement perdrait pour loujours ses bonnes grâces, dit Abigaïl en hésitant.

— Précisément, répliqua Anne. Mais en quoi ces paroles concernent-elles M. Masham ? J’espère, continua-t-elle sévèrement, que vous n’avez rien fait de pareil sans mon aveu ?

— Assurément, non, madame, reprit Abigaïl, qui, sans s’in-