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ABIGAÏL.

La matinée était belle, mais extrêmement froide, et le sergent aurait hâté le pas, s’il n’eût craint de laisser en arrière son compagnon.

« Il me semble que je vous ai nommé celui qui devait servir de second à Bamby, n’est-ce pas, Proddy ? dit-il enfin.

— Oui, sergent ! Un caporal français, un certain John Savage, qui a été fait prisonnier en même temps que le maréchal Tallard, répliqua le cocher.

— Il se nomme Sauvageon, et non pas John Savage, fit Scales ; c’est même un fort brave garçon, et je serais plus honoré de croiser l’épée avec lui qu’avec ce pauvre petit Bamby.

— Voulez-vous que je vous dise, sergent ? dit Proddy ; j’ai bien réfléchi à tout ceci : il me semble que je vais m’ennuyer de rester oisif, et, si Sauvageon ne s’y oppose pas, nous pourrons en découdre ensemble.

— N’en faites rien ! Comment donc, mille bombes ! Proddy, il vous embrocherait en moins d’un instant ! C’est une des meilleures lames connues, et il gagne sa vie en exerçant la profession de maître d’armes.

— Oh ! cela m’est égal, sergent, répéta Proddy ; un Anglais peut toujours tenir tête à un Français.

— Sans doute, répliqua Scales. À la condition pourtant que… vous voudrez bien me confier l’honneur de notre pays.

— Non ! je suis décidé à me battre, fit Proddy, et c’est dans cette intention que j’ai apporté mon épée.

— Ma foi, si vous le voulez absolument, ce n’est pas moi qui vous en empêcherai, dit Scales. Cependant, soyez prudent, et je ferai en sorte de vous venir en aide, si cela m’est possible. »

En disant ces mots, Scales se mit à fredonner, de toute la force de ses poumons, les vers suivants :


Amis, chantons ce héros sans pareil
Vainqueur à chaque bataille ;
Vive Marlborough ! Anglais, c’est un soleil !
Malheur à qui le raille !


— C’est vrai, et nous sommes nous-mêmes des héros, sergent, ajouta fièrement Proddy ; n’allons-nous pas combattre les mounseers ? Ah ! j’éprouve ce que vous avez dû éprouver avant la bataille de Blenheim.