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ABIGAÏL.


XII


La compagnie se trouve augmentée par l’arrivée de M. Hyde et de sa fille. Explication de la cause de leur visite.


« Une ligne plus bas, s’écria le secrétaire d’État en ôtant son chapeau, où la balle qui l’avait traversé trahissait son passage par un petit trou rond, vous eussiez logé ce morceau de plomb dans ma cervelle. Une autre fois, charmante mistress Bracegirdle, choisissez pour vous exercer un point de mire moins dangereux, ou vous vous exposerez à faire des malheurs. »

La belle actrice se confondit en excuses auprès de sir Harley, tandis que tous les autres convives de Saint-John le félicitaient d’avoir échappé à une mort certaine.

On lui expliqua l’origine de ce coup de pistolet, et il rit de bon cœur.

« La victoire vous appartient, ma chère mistress Bracegirdle, lui dit-il ; car, si mistress Oldfield a déployé autant d’adresse que vous, vous avez montré incontestablement que vous possédiez un cœur mieux placé.

— En tout cas, c’est fort généreux à vous de le reconnaître, monsieur Harley, repartit mistress Oldfield avec humeur.

— Ma foi, belles dames, habiles comme vous l’êtes, s’écria Saint-John, j’espère que dorénavant vous renoncerez aux pistolets, et que vous vous en tiendrez à des armes non moins dangereuses, il est vrai… à vos yeux.

— Bon ! bon des œillades peuvent suffire pour captiver votre sexe, reprit mistress Bracegirdle ; mais, pour venger les attaques de nos semblables, il nous faut de la poudre et des balles.

— Très-bien ! mais, à cette heure que la discussion a été honorablement close, dit Saint-John, embrassez-vous et soyez amies. »

Les deux rivales pressées de la sorte finirent par s’exécuter ; mais il était facile de conclure, en examinant le balancement de tête de l’une et le haussement d’épaules de l’autre, que la trêve n’était pas de bon aloi.