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ABIGAÏL.

Mistress Bracegirdle ayant accepté cet arrangement, quoique avec une répugnance visible, on apporta une paire de pistolets. On écarta ensuite tout ce qui pouvait gêner les tireuses ; Masham saisit un flambeau et alla se placer, le bras tendu, à l’autre bout de l’appartement.

Tout était prêt, lorsque mistress Bracegirdle pria sa rivale de tirer la première. Celle-ci leva à l’instant le canon de son pistolet, visa et lâcha la détente.

Le coup partit, et la balle passa si près de la flamme, qu’elle vacilla. De bruyants applaudissements accueillirent ce coup d’adresse.

Aussitôt que le calme fut rétabli, mistress Bracegirdle alla occuper la place de son adversaire ; mais, au moment où elle visait, un tremblement nerveux fit remuer son bras, et elle abaissa l’arme qu’elle tenait en main.

« Non ! vraiment, je ne puis ! s’écria-t-elle ; si je blessais ce jeune homme, je ne pourrais me pardonner ma maladresse, et, plutôt que de le mettre en si grand péril, je préfère m’avouer Vaincue. »

À ces mots, les applaudissements éclatèrent, plus bruyants et plus véhéments qu’auparavant.

« Pour vous prouver que je ne me suis pas trop vantée en vous parlant de mon adresse, dit ensuite mistress Bracegirdle, lorsque le silence se fut rétabli, je vais faire une expérience qui ne peut mettre personne en danger. Je vois là, sur le panneau supérieur de votre porte, une petite tache blanche, à peine large comme un schelling ; elle me servira de point de mire. »

La belle actrice tendit le bras, leva rapidement son pistolet, et lâcha la détente.

Le panneau se trouva percé précisément à l’endroit indiqué.

Mais quelles ne furent pas la surprise et la consternation des assistants, quand au même instant la porte s’ouvrit, et sir Harley entra dans l’appartement !