Le vrai moyen de mortifier la coquette sera d’affecter une indifférence parfaite, et, quelques séductions qu’elle emploie, il doit y demeurer insensible.
— J’aimerais mieux essayer de la blesser au cœur comme elle m’a blessé moi-même, répondit Masham.
— Vous n’êtes pas assez maître de vous pour tenter cela, ajouta Maynwaring. L’indifférence réelle ou feinte est votre seule ressource. Il est amoureux d’elle, continua-t-il à voix basse en s’adressant à Sunderland, au mounent où Mashans s’éloigna d’eux.
— C’est bien facile à voir, répondit l’autre sur le même ton ; s’ils se trouvent ensemble, la réconciliation est infaillible. C’est à nous d’y mettre ordre. Abiyaïl est tout à fait compromise avec Guiscard. Ah ! si nous pouvions faire disparaître Masham pendant une semaine !
— Oui, mais il ne voudra pas partir, dit Maynwaring en riant.
— Ah ! messieurs, vous vous amusez encore à mes dépens, dit Masham, qui se rapprocha des deux interlocuteurs.
— Bah ! je disais simplement à Sunderland, répondit Maynwaring, que je croyais qu’on avait beaucoup exagéré l’influence de miss Abigaïl sur la reine.
— C’est aussi mon avis, répliqua le comte. Guiscard espère assurer sa fortune à venir en s’unissant à elle, mais il reconnaîtra plus tard son erreur. Et d’abord, tout naturellement, elle perdra sa place en se mariant.
— Il se pourrait que non, observa Masham.
— Oh ! c’est inévitable, reprit Maynwaring ; mais d’ailleurs qu’importe ? l’aventurier français n’aura que ce qu’il mérite.
— Je ne me soucierais nullement de la perte de cette place, si Abigaïl avait du cœur, soupira Masham. Mais il est évident qu’elle n’en a pas.
— Pas plus que Guiscard ; aussi seront-ils bien assortis. Eh ! pardieu ! voici le marquis lui-même. »
À ce même instant, Guiscard, accompagné de Saint-James et de Prior, entra dans le café. Tandis que les nouveaux arrivants s’approchaient, Saint-John s’écria d’un ton jovial :
« Bonjour, messieurs, bonjour ! j’ai à vous appreudre une nouvelle qui va vous charmer tous, et vous particulièrement, Masham. Nous allons voir un mariage à la cour.