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si elle est favorable, je me retirerai dans les terres tempérées ; là je l’espère, il me sera facile de me défendre contre les attaques de mes ennemis.

L’Olonnais hocha la tête.

— Je ne suis pas de cet avis, M. le duc ; je crois au contraire, que vous devez à tous risques, demeurer à la Vera-Cruz. Les seuls amis sur lesquels vous puissiez compter sont les frères de la Côte, vous êtes de toutes parts entouré d’ennemis ; dès que vous serez dans l’intérieur, le poignard d’un assassin vous atteindra facilement ; qui sait même si pendant votre voyage, on n’essaiera pas de se défaire de vous ?

— Oui, tout ce que vous me dites est juste ; mais que faire ?

— Que faire ! rester à la Vera-Cruz ; vous tenir bravement sur la brèche ; la mer est notre amie ; les flibustiers sont nos frères ; il peut surgir tel événement imprévu, où leur concours nous sera indispensable ; Vive Dieu ! S’il le faut nous prendrons la Vera-Cruz ; nous nous sommes emparés de villes bien autrement fortes !

— Oh ! mon ami, vous allez trop loin.

— J’ai tort, fit l’Olonnais, je le reconnais, mais puisque vous ne voulez pas fuir, c’est ici qu’est votre poste ; vous ne devez pas l’abandonner.

Il y eut un assez long silence.

— Cette affaire est excessivement sérieuse, reprit enfin le duc, je ne puis sans mûres réflexions prendre une décision quelle qu’elle soit.

— C’est juste ; dans deux jours, j’aurai l’honneur de vous revoir, M. le duc ; mais d’ici là, je vous le jure, je fouillerai la ville, jusque dans ses repaires les plus immondes ; si je découvre le misérable dont vous m’avez parlé, je vous délivrerai de lui pour toujours.

— Soyez prudent, mon ami ; les espions espagnols sont bien fins ; que sait si déjà leurs regards ne se sont pas fixés sur vous ?

— Bah ! à la grâce de Dieu, M. le duc ; fit l’Olonnais